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vendredi 1 février 2013

Adieu Papi 2

Frère François, qui connaissait un petit peu de notre famille, mais pas tout, a accepté de célébrer la messe d'adieu de mon papa. Il a fait une très belle homélie nourrie de toutes mes suggestions de textes et musiques. Je savais, le connaissant, que ce serait très bien.

Je partage son texte ci-dessous.


Pour Jules Parent

Quand Xavier m'a envoyé le déroulement de cette célébration, j'ai été tout de suite sensible à un détail qui pourrait passer pour audacieux, voire impertinent.  J'ai vu que nous entendrions le chœur final d'une Passion de Jean Sébastien Bach, c'est-à-dire qu'on chanterait autour du corps de Monsieur Parent : "Reposez bien, vous, saints ossements." Ces paroles s'adressent aux ossements du Christ, mais ici et maintenant, comment ne pas entendre que vous les dites à celui qui nous rassemble ? C'est un peu comme aux funérailles de Claire d'Assise : les franciscains entonnaient l'office des morts quand le pape leur a dit de chanter plutôt celui des saintes, mais un cardinal l'a rappelé à l'ordre, et on a célébré sagement la messe des défunts, sans canoniser Claire avant l'heure.

Il n'y a pas ici de cardinal pour nous rappeler à l'ordre.  "Reposez bien, vous, saints ossements."  Prononcer ces paroles autour d'un être cher, c'est sans doute reconnaître qu'il fut un homme intègre et affectueux.  Mais il y a plus.  C'est affirmer qu'il ne cesse pas d'être un membre du Christ.  Associé dès son baptême à la mort de Jésus, il est entraîné par lui, irrésistiblement, dans le grand mouvement de la résurrection.  Oui, Monsieur Parent, le tombeau qui vous est destiné est pour nous la porte du ciel.

Cela ne veut pas dire que nous ressentons votre mort, d'emblée, comme une bonne nouvelle.  C'est d'abord un déchirement.  Votre départ de ce monde a passé pour un malheur, et pas seulement aux yeux de celui qui ne réfléchit pas.  La Passion selon saint Jean nous fait dire aux saints ossements : "Je ne vous pleurerai pas davantage."  Mais il n'y a pas de honte à vous pleurer, et si nous ne l'avons pas encore fait depuis votre décès, il est peut-être temps d'y songer.  Saint Paul nous dit bien de ne pas pleurer comme ceux qui n'ont pas d'espérance, mais il ne nous interdit pas de pleurer d'une autre façon.  Jésus lui-même a pleuré devant la tombe de Lazare, et ses larmes divines sont la plus belle autorisation des nôtres. Il en coûte au Seigneur de voir mourir les siens, dit le psalmiste.  Avant de parler de votre résurrection, nous avons besoin de prendre la mesure du vide que vous laissez dans nos vies.

Pourtant, si nous pleurons, que ce ne soit pas comme ceux qui n'ont pas d'espérance.  Le grain ne tombe pas en terre sans l'espérance de porter du fruit.  En mourant sur la croix, Jésus a posé à son Père une question que nous comprenons souvent de travers.  Non pas : à cause de quoi m'as-tu abandonné ? Ou pire encore : qu'est-ce que je t'ai fait pour que tu me laisses tomber ?  Mais bien plutôt : vers quoi, en vue de quoi m'as-tu abandonné ?  La réponse du Père, Jésus nous l'avait dite d'avance, nous venons de l'entendre : si le semeur ne laisse pas tomber le grain, si le grain tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit. 

Le fruit, le fruit que Dieu espérait en nous abandonnant son Fils, c'est notre joie.  Une joie qui n'est pas un simple éclat de rire passager, une joie qui n'est pas – ce serait pire encore – une indifférence devant la peine des autres, mais la joie profonde qui se fraie un chemin dans nos douleurs, pour déboucher sur la plénitude de la vie. Notre existence quotidienne, heureuse ou embrumée, paisible ou tourmentée, difficile parfois mais toujours précieuse, n'est cependant jamais qu'une ébauche de la vie qui nous est promise.  Nos défunts nous y précèdent et nous entraînent à leur suite.  Oui, Monsieur Parent, c'est pour vous qu'ont été chantés ces mots de la Passion : le tombeau qui vous est destiné ne renferme plus de détresse.


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