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samedi 15 septembre 2012

Pour toi qui suis-je ?

Essayez de vous imaginer, ne fût-ce qu'un instant, face à quelqu'un qui vous dise, à brûle pourpoint : "et pour toi, qui suis-je ?"

Confronté à une telle question, il est extrêmement difficile de trouver les mots justes. Dire à un autre ce qu'il est requiert de dire beaucoup sur ce que l'on est et ce n'est pas si simple de se dire, de le dire. Et puis qu'attend l'autre ? Quelle réponse attend-il ?

Peut-être, en nous posant la question, attend-il un propos flatteur ; peut-être, cherche-t-il à se rassurer sur lui-même ou sur une relation qu'il entretient avec nous.

J'ai connu quelqu'un qui attendait de moi comme réponse : "Tu es l'amour de ma vie, le seul et l'unique" et entendait autre chose en réponse : "Je t'offre mon amitié". Elle, ou lui, et moi ne pouvions nous entendre. Non que je sois avare en amour, mais parce que sa question ne me laissait pas la liberté de la réponse.

Il arrive que certaines questions tentent d'emprisonner celui auquel elles sont posées.

Dans l'évangile de ce dimanche (Mc, 8, 27-35), Jésus semble vivre une crise d'identité : les gens, les disciples sont au coeur de la question. Jésus ne peut résister à la compassion : toute pauvreté, toute fragilité, toute maladie l'atteint au plus profond de lui-même et, comme il n'est qu'amour, il soulève des montagnes.

Seulement voilà, Jésus se sent enfermé dans un rôle. Non, il n'est pas un thaumaturge. Son message semble être incompris.

Il vit ce que bien d'autres, après lui, vivent ou ont vécu. Les autres ne lui permettent pas d'être pleinement lui-même. Ils lui dictent ce qu'ils voudraient qu'il soit. 

Jésus n'en peut plus. Il fuit de plus en plus pour se retrouver seul avec lui-même.

Il a besoin d'un électrochoc. Il va provoquer ses disciples après tous ces ragots qui courent sur lui. Pour les gens qui suis-je ? Et vous, que dites-vous ?

Un prophète, Elie, le Messie ... telles furent les réponses. La réponse de Pierre "Tu es le messie" doit avoir été la plus désespérante pour Jésus. Jésus sait, sent, qu'il n'a aucun rôle à jouer sur un plan politique. Même ses plus proches alliés n'ont donc rien compris. Non décidément Jésus n'a pas de chance. Il faudra du temps, bien du temps, à ses disciples pour découvrir qui il était vraiment. Il faudra beaucoup de détermination, à ses disciples sincères d'hier, et il faut encore beaucoup de détermination à ses disciples d'aujourd'hui, pour garder une distance à l'égard de ceux - nombreux - qui n'auront eu, et n'ont encore de cesse, d'enfermer et réduire Jésus à ce qu'ils voudraient, ou veulent, qu'il soit, des premiers temps de l'Eglise jusqu'à aujourd'hui, malheureusement. Ils sont aussi bien dans l'Eglise qu'en dehors de celle-ci.

Un passage très fort figure au coeur de l'évangile de ce jour. Quand Jésus tente d'expliquer ouvertement à ses disciples quel avenir pourrait être le sien, il reçoit une étrange réponse de Pierre. Si vous continuez à dire que je suis le messie, dit Jésus, je vais être rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes et je serai mis à mort. Pierre se met alors à lui faire de vifs reproches. Et Jésus interpelle vivement Pierre. Pierre, ne m'enferme pas dans ta croyance sur moi. "Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes".

Entre Jésus et Pierre, la relation est vraiment forte et sans doute unique. Pierre devra vivre le reniement pour comprendre à quel point il s'est trompé, alors que le coq chantait (Mc, 14, 66-72 ; Mt, 26, 69-75; Lc, 22, 56-62; Jn, 18, 17, 25-27... un des rares passages figurant dans les quatre évangiles, c'est dire s'il est important). Le reniement pour comprendre. Cela peut nous paraître perturbant.

La réponse pourtant est donnée : "Si quelqu'un veut marcher derrière moi, qu'il renonce à lui-même ... et qu'il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi pour moi et l'Evangile la sauvera" (Mc, 8, 34).

J'entends tellement autour de moi dénoncer les religions du livre, au motif qu'elles engendrent l'obscurantisme, les dérives autoritaires, les tentations dogmatiques et finalement la perte de liberté. Ces réactions sont justes d'un certain point de vue, mais n'y aurait-il qu'un point de vue ? Elles me paraissent surtout fort ignorantes.

Je ne connais pas de message plus libérateur que le message de Jésus. Quand Jésus dit "renonce à toi-même", il ne demande aucune soumission ; il invite à se défaire de ce qui encombre, de ce qui conditionne, de toutes les choses qui entravent notre liberté et nous constituent pourtant. Celui qui ne peut entreprendre cette démarche risque bien de ne pas être vivant en effet. A chacun d'incarner le message à sa manière évidemment.

Pour en revenir aux religions, il ne faudrait pas condamner celles-ci au seul motif que les hommes en ont fait, ou en font, un mauvais usage.













2 commentaires:

  1. Sabrina Sanza : votre texte me fait penser à une phrase de la chanson de JJ Goldman, "Sache que je" : "Il y a une question dans " je t'aime "
    Qui demande " et m'aimes-tu, toi ?"

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  2. Sabrina Sanza : votre texte me fait penser à une phrase de la chanson de JJ Goldman, "Sache que je" : "Il y a une question dans " je t'aime "
    Qui demande " et m'aimes-tu, toi ?".

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