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samedi 1 septembre 2012

Le maître et les talents

Les deux lectures de ce samedi m'ont particulièrement posé question.

Dans la première (1 Cor, 1, 26-31), Paul décrit quels sont ceux qui font partie du cercle des chrétiens réunis autour de lui. "Regardez bien", dit-il : "Qu'y a-t-il parmi vous"? Réponse : "Il n'y a pas beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de gens de bonne famille" (1 Cor, 1, 26). Paul ne dit pas qu'il n'y a pas de sages, ni de puissants, ni de gens de bonne famille, mais qu'ils représentent une infime minorité. De quoi discréditer le groupe qu'il a créé aux yeux de certains sages, de certains puissants et de certaines bonnes familles. N'est-il pas dans la nature des hommes de se regrouper entre soi ? Pour Paul, ce n'est toutefois pas sans signification : "Ce qui est folie dans le monde, Dieu l'a choisi pour confondre les sages ; ce qui est faible dans le monde, Dieu l'a choisi pour confondre ce qui est fort ; ce qui dans le monde est vil et méprisé, ce qui n'est pas, Dieu l'a choisi pour réduire à rien ce qui est, afin que nulle créature ne puisse s'enorgueillir devant Dieu" (1 Cor, 1, 27-29). Comme toujours avec ce Nouveau Testament, né de Jésus, les perspectives sont renversées. Les alliances naturelles éclatent, les barrières doivent tomber : les sages, ceux qui savent mieux que les autres ne doivent plus rester entre eux, ils doivent se confronter aux fous de la société, composer avec eux, les plus fous n'étant pas toujours ceux que l'on croit ; les puissants, tous ceux qui détiennent une part de pouvoir, fût-elle minime, et qui peuvent se dire, grâce à ce pouvoir plus fort que d'autres, doivent s'abaisser jusqu'au plus faible ; les bien-nés, les décorés, les reconnus, les riches sont invités à rejoindre ceux qui, dans le monde, sont vils et méprisés. Quel programme !

C'est le moment de parler de programme pourtant ... aux Etats-Unis, pour une élection présidentielle, et,  en Belgique, pour un enjeu local (communal et provincial) évidemment moins capital. Ce que Paul a écrit mériterait d'être médité par tous les candidats aux élections, surtout par ceux - spécialement aux Etats-Unis - qui aiment tant mettre leur religion en avant dans la course aux électeurs.

La deuxième lecture - la parabole des talents (Mt, 25, 14-30) - est bien connue. Un maître partant en voyage confie à ses serviteurs la gestion de ses biens. Ils sont trois et chacun ne reçoit pas la même responsabilité. Sans doute, le maître a-t-il tenu compte des aptitudes de chacun, ce qui révèle qu'il est un bon maître, conscient des réalités. Les trois serviteurs pourtant ne vont pas réagir de la même manière. Les deux premiers vont faire fructifier ce qu'ils ont reçu, jusqu'à multiplier par deux ce qu'ils ont reçu. Quels excellents financiers que ces deux-là ! Un return de 100 % ! Le troisième a manqué d'audace, d'esprit d'initiative, il a redouté les récriminations, voire la sanction du maître, à son retour, au cas où il n'aurait pas été à même de lui rendre ce qui lui avait été confié. Il l'a donc caché et a rendu, sans intérêts, ce qui lui avait été confié. Il a été somme toute prudent, peut-être trop. La décision du maître est sans appel : ce serviteur timoré ne mérite pas grâce à ses yeux, il n'est pas invité à se réjouir avec lui, ni appelé désormais à quelconque fonction que ce soit. Et comble de l'humiliation - ou de l'injustice - le maître donne, en remerciement, au plus habile le capital qu'il avait confié au plus timoré.

Quand j'étais enfant, un talent était un talent. Comme je savais chanter, ma mère me disait que je devais cultiver mon talent, sinon Dieu ne serait pas content de moi. C'était simple et je m'appliquais à bien chanter.

Depuis que je suis en mesure de comprendre un peu mieux ce récit, il me choque beaucoup.

Je veux bien y voir un appel à l'audace, à l'initiative personnelle. Je trouve néanmoins profondément injuste la décision du maître. Pourquoi donner plus à celui qui a plus ? Et retirer même à celui qui n'a rien ? Les adeptes du capitalisme libéral doivent se réjouir d'une telle solution !

Bien entendu, les biens dont il est question peuvent être entendus comme des biens spirituels à entretenir, à faire fructifier, mais la sanction me paraît sévère. Celui qui est timoré n'est-il pas un faible ? Ne mérite-t-il pas, dans le fond, plus d'attention que les autres ?

Je l'avoue, j'ai de la peine à concilier cette parabole avec la première lecture de Paul.







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