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lundi 12 mars 2012

L'enfant adopté

L’enfant adopté a dit (ou on lui a fait dire) : “Comment pourrais-je savoir où je dois aller, alors que je ne sais même pas d’où je viens”.

Il est né, par exemple, loin des mers, il est arrivé ici alors qu’il avait quelques semaines à peine. Il ne sait rien de ses origines. Il n’en a rien vécu. Il est né sous “x”. Sur son acte de naissance, établi là-bas, il est déclaré fils d’une belge, qui n’était même pas là le jour de sa naissance. Il a été confié, les premiers jours de sa vie, à une nounou. Il sait qu’il a une autre mère là-bas. Sa vraie mère. Vit-elle encore ? Où est-elle ? Comment est-elle ? Cela le travaille. Il est arrivé ici avec un “casier vierge”. Tous ont cru que cela serait dès lors plus facile. Lui ? Non seulement,  il ne sait rien, mais il ne peut même pas se dire avec certitude : “ma maman m’a tenu dans ses bras” (ne fût-ce que juste un peu). Il a des parents ici qui l’aiment autant qu’ils le peuvent, mais qui n’ont pas de réponse à cette question.

Je suis frappé par une chose importante : il ne parle jamais de son père et, quand il parle de sa mère là-bas, celle qui aurait dû le prendre et le garder dans ses bras, il ne la juge pas, il voudrait la retrouver. Il sait que c’est impossible. Mais il veut tenter sa chance : aller là-bas et juste croiser, dans sa ville ou son village d’origine, en rue, une femme dont il pourrait se dire qu’elle aurait pu être sa mère. Il faut accompagner adroitement un tel questionnement.

L’enfant dont l’origine, ou une part de l’origine, est inconnue ou nébuleuse se posera toujours, tôt ou tard, la question de ses origines, quoi qu’on lui ait dit.

Un jeune papa adoptant, dans un couple gay, me disait récemment : “L’important n’est pas de savoir d’où on vient, mais de savoir où on est”.  Je ne veux  pas le décourager et je lui demande, dans un premier temps, d’adhérer fermement à ce qu’il croit. Je veux juste lui dire que, tôt ou tard, la question des origines se posera.  Cela ne dépend, ni de la quantité, ni de la qualité d’amour dont on fait preuve.

Je suis, pour ma part, favorable à l’adoption par des couples homosexuels stables, bien dans leur peau, et entourés d’une famille de frères et soeurs, de cousins et de cousines.  Un couple homosexuel peut offrir un véritable lieu d’épanouissement pour un enfant. Comme toujours, il s’agit de parcours individuels. Tout le monde n’est pas fait pour élever et aimer des enfants.

A l’époque où j’ai moi-même adopté, j’étais marié, je ne savais vraiment pas qu’aujourd’hui je serais amené à parler de l’adoption d’un petit bonhomme par un couple gay, ni, avec un autre couple gay, parents de deux petites filles, nées d’une mère porteuse, qui ont l’air fort heureuses dans leur nouvelle famille (les deux papas et tout l’entourage familial étant exemplaires). Dans l’un et l’autre cas, il s’agit d’anciens étudiants.

Ceci m’a amené à réfléchir.

Il ne faut jamais idéaliser l’adoption (ni non plus sans doute le recours à une mère porteuse). Les parents adoptifs, au début, voient beaucoup la vie en rose. Ils sont passés, il faut le dire, souvent par un long chemin, un long combat même, avant d’accueillir leur enfant. Pour beaucoup de ces couples, l’arrivée de l’enfant est comme une délivrance. Il les libère en effet de leur infertilité, réelle ou symbolique. Leur vie s’ouvre alors. Cela crée bien entendu un moment de grand bonheur et d’engagement total.

Seulement, le rêve et la réalité ne coïncident pas toujours.

J’admets qu’il puisse en être ainsi aussi lors de filiations (plus) naturelles. Les enfants qui doivent correspondre aux rêves de leurs parents souffrent parfois beaucoup. La situation ne sera pourtant jamais comparable, car un conflit vraiment singulier peut naître lorsque le lien d’origine reste inconnu.

Il n’est pas rare qu’un enfant étranger adopté dise : “Pourquoi m’avez-vous fait venir ici ? J’aurais mieux fait de rester là-bas. Vous m’avez déraciné “. Oh, il ne le dit pas tous les jours.  Il sait très bien que nous, parents adoptifs, nous lui offrons une  certaine sécurité, un avenir (?). Simplement, il ne peut pas s’empêcher, dans sa tête, de se dire que “la vie est plus belle au soleil”. Ce n’est pas le cas de tous évidemment, mais cela arrive fréquemment.

Les organismes d’adoption (à tout le moins ceux que j’ai rencontrés) concentrent toute leur attention sur le début de l’aventure … ils s’intéressent rarement à ce qui suit l’accueil et encore moins à l’enfant adopté devenu jeune adulte ou adulte.

Je viens d’acheter un livre qui m’apportera peut-être plus de lumière : Diane Drory, Colette Frère, Le complexe de MoïseParoles d’adoptés devenus adultes, De Boeck, Bruxelles, 2011. 





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