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samedi 25 février 2012

Déserts

Cela ne peut être une coïncidence. Un de mes amis, que je n'ai plus vu depuis longtemps, fait actuellement l'expérience du désert, en Jordanie, en touriste. « Communion avec la nature et avec soi-même », me dit-il sur Facebook, je le crois. Les images qu'il propose sur son blog ou sur Facebook en témoignent.

http://rousseaumusique.blog.com/2012/02/25/toujours-le-desert/

Comment faut-il comprendre Cioran quand il dit que « les jardins sont des déserts positifs » ? Beau sujet de dissertation, à vrai dire. Je m’en tiendrai ici au désert, sans me demander si le transformer en jardin (à la française, à l’anglaise, à l’oasis ?) le rend enfin positif. Je m’en tiendrai à ce qu’a dit mon ami : « communion avec la nature et avec soi-même ».

Pourquoi est-ce une coïncidence ? Parce que les chrétiens viennent d’entrer en carême. On évoque plus le ramadan des musulmans, dans les media, que le carême des chrétiens. Cela est un détail. Mais le carême chrétien est un temps de désert, d’une certaine manière, entouré de réjouissances humaines ex ante (carnaval) et spirituelles ex post (la joie de Pâques). Un temps où les chrétiens sont invités à quitter leurs jardins, pour retourner un peu au désert, afin de pouvoir enfin revivre lors de la semaine sainte, symboliquement, sans doute, mais avec foi, l’abandon de ce qui est mortifère en eux pour donner place à ce qui les rend vivants.

On ne voit plus guère aujourd’hui, dans les rues, de ces malheureux sortant d'une église avec des cendres sur leur front, le jour du mercredi des cendres. Je dois l'avouer, j'ai souffert,  il y a longtemps, de ce stigmate qui m'exposait au regard des autres. Ce n’est pas l’image du christianisme que je souhaitais donner.

Un temps de désert. Un retour au désert. Il est intéressant de constater combien cette proposition faite aux chrétiens séduit aujourd’hui des non-chrétiens.

Vivre le désert, c’est comme changer de registre, de longueur d’onde. Se dépouiller de ses habitudes, de ses assuétudes, fût-ce un temps limité. C’est aussi le silence. Bref, quelle que soit la manière dont on vit le désert, c’est l’occasion de donner de la place à autre chose et, plus précisément, je pense à tout ce qui n’est pas nous-mêmes, l’autre, l’altérité, l’Altérité. Donc, aussi du temps pour lire la Bible et du temps pour l’espace que finit toujours pas ouvrir le silence.

La liturgie de ce dimanche aborde le thème du désert.

D’abord en évoquant Noé, après le déluge (Gn, 9, 8-15). Alors que toute vie a disparu sur la terre, celle-ci étant devenue un désert, Noé a réussi à la maintenir autour de lui. Il y a donc toujours un choix possible pour la vie, même dans les pires circonstances. C’est ce choix pour la vie que Dieu reconnaît en établissant une alliance avec Noé et ses fils. Avec un très beau symbole : l’arc-en-ciel. Le choix de ce même symbole par les communautés gay pour s’affirmer est pour moi signifiante : il s’agit bien de s’inscrire dans le courant de la vie et de ne pas s’enfermer dans des schémas qui enferment, culpabilisent, réduisent, isolent.

D’après Pierre (1 Pierre, 3, 18-22), Noé et sa famille représentaient seulement huit personnes. Admettons. Retenons surtout que le dieu de la vie s’est montré patient. Il aura permis à huit individus qui croyaient à la vie de sauver le monde d’alors, plongé dans la révolte contre Dieu et dans les conduites mortifères. Ceci n’est-il pas très actuel ? Et la révolte envers Dieu, et les comportements stériles ou porteurs de mort (guerre, drogue, chômage, argent, dépression, inégalités, discriminations). Il ne faut pas désespérer. Ce n’est pas le nombre des combattants qui comptent, mais leur foi en la vie. Il y aura, et il y a déjà, d’autres arcs-en-ciel.

Du désert, Marc (Mc, 1, 12-15) nous dit aussi qu’il n’est pas sans danger, si on accepte d’y pénétrer vraiment. Bêtes sauvages et tentations de Satan. Jésus n’a pas échappé au lot de ceux qui prennent ce chemin. Temps du doute. Temps de l’absence de Dieu, l’acédie. Envahissement par les aspects de nous-mêmes qui n’ont pour seul objet que de nous ramener seulement à nous-mêmes, alors que nous désirons tellement la conversion, ce mouvement qui doit nous tourner entièrement vers Dieu, notre source de vie.






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