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vendredi 11 novembre 2011

De belles rencontres

Comme toujours, je reviens de mon séjour d'une semaine au monastère de Wavreumont totalement serein, ragaillardi, plus fort. Pour combien de temps ?

J'ai retrouvé, à peine un instant, Bruno. Entre un voyage au Niger et un autre encore à définir, pour Caritas international, il est revenu au port, ce port qu'il a découvert, il n'y a pas si longtemps. Le jour où j'arrivais, il repartait. Nous avons trouvé le temps de parler un peu. Il était venu avec son accordéon. Il dirige en effet deux chorales chantant des musiques du monde. La veille de mon arrivée, quelques moines l'avaient rejoint pour chanter un peu de tout, le frère prieur ayant apporté un casier de bières d'Orval, de Chimay et de Rochefort. Rien que des bières monastiques. Pour avoir bonne conscience ? Je ne crois pas. Mes frères de Wavreumont sont simplement ancrés dans la vie et ils cultivent la mesure, le juste équilibre.

Quand je séjourne à Wavreumont, je fais bien plus de rencontres que dans ma vie habituelle. Il y a eu Sophia, venant d'Angola, qui demande l'asile, et que les moines hébergent, parce qu'il n'y a pas assez de place dans les centres officiels pour ceux qui sont comme elles. Il y a eu Albert et Anne. Un couple de sexagénaires à l'humour ravageur. Elle est dessinatrice et toujours demandeuse d'emploi, m'a-t-elle dit. Lui, était prof de français et écrit maintenant des ouvrages sur les vitraux modernes en France ou sur les "sotays", ces petits gnomes de nos régions qui ont leur correspondant un peu partout en Europe, voire ailleurs (les djinns). A eux deux, ils ont huit enfants et une multitude de petits enfants, comme Abraham. Ils m'ont fait rire. Et puis, Conrad, 22 ans, chevelu, étudiant à Saint Luc ... qui se pose des questions sur son avenir. Il a l'impression d'être plus attiré par la musique que par ses études (installateur d'installations). Et puis soeur Pascale, qui est comme moi boulimique d'informations ; une soeur "à la mode", d'après des jeunes qui lui faisaient face dans le train. "T'es une soeur, toi ? Oui ! Alors, t'es une soeur à la mode". Je suis heureux d'avoir parlé avec eux, d'avoir échangé des adresses ou la promesse qu'on se reverra un jour. C'est étrange, mais quand je suis au monastère, je suis bien plus doué pour nouer des contacts que dans ma vie dans le siècle.

Les moines de Wavreumont sont très ouverts au monde et aux autres. Il existe vraiment autour des moines comme une famille. Ainsi, cette communauté d'hommes donne une place importante aux femmes pour l'accueil à l'hôtellerie, pour la cuisine, pour le partage, pour la prédication des retraites. Je trouve cela rassurant. Et il n'est pas dit que l'un ou l'autre moine ne compte pas sur cette présence féminine, le jour où il doit acheter une nouvelle paire de lunettes ou un nouveau vêtement ... Les moines, en effet, ne portent pas d'habit religieux en dehors du choeur.

Et puis, il y a l'autre rencontre. Celle que l'on fait avec soi-même. Celle qui se fait dans le silence et que parfois on ne sait pas nommer. Les moines nous offrent cette possibilité et acceptent, si on leur demande, de nous accompagner.

Il faut comprendre ceci. Un moine n'est pas un saint. Il est à jamais un homme en chemin, et d'abord un homme. Il vit sa vie avec ses faiblesses, ses interrogations, ses fantasmes, ses désirs, ses émotions. Il a choisi un mode de vie et une référence. Il a décidé de mettre sa vie entre les mains de Dieu. Il croit fermement que la parole de Dieu, dans toutes ses manifestations, et bien sûr avant tout dans la Bible, a un réel pouvoir de guérison et de transformation. C'est pourquoi il choisit de la fréquenter quotidiennement. Il serait erroné de croire que le moine ne vit que pour lui-même, pour sa réalisation personnelle. Il prie bien sûr pour le monde et pour ceux plus proches qui sont confiés à sa prière. Plus fondamentalement, cependant, il est le témoin d'une certaine manière de vivre avec les autres, avec la terre, avec l'économie du monde. Il est peut-être le témoin, l'exemple, d'un autre monde. De l'autre monde, celui que Jean-Caude Guillebaud évoque ainsi :

"Le vrai défi est le suivant : comment reconfigurer nos démocraties pour les adapter à cette perspective de croissance faible ou nulle ? On sait déjà qu'il faudra plus d'éthique, plus de partage, plus de justice, plus de cohésion sociale. Bref, un autre monde. Les "indignés" et les écolos - tant moqués - le pressentent et le disent. Avec vingt ans d'avance ". (J.C. Guillebaud, " Le mythe de la gouvernance ", Nouvel Observateur, 10 novembre 2011, n° 2453, p. 38).

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