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samedi 8 octobre 2011

L'argent ruisselle-t-il ?

Une théorie économique, développée aux Etats-Unis,  prétend que l'enrichissement des riches ne doit pas être dénoncé car les pauvres eux-mêmes en profitent. Selon cette théorie, l'argent "ruisselle" (traduction approximative en français de l'expression "trickle-down"). Autrement dit, chaque fois qu'un riche s'enrichit encore un peu plus, les pauvres en profitent aussi un peu plus. On dit : "un riche" et "des pauvres", car il y a évidemment plus de pauvres que de riches. Le meilleur des mondes en somme.

Cette théorie doit avoir été inventée par des économistes à la solde des riches car les pauvres se demandent en quoi cette subtile théorie est crédible. Les économistes aiment la théorie et, comme leur science est encore moins exacte que celle des sociologues, leurs théories peuvent dire tout et son contraire selon le vent qui les soutient. Ils alignent des chiffres et des perspectives souvent vides de sens, sauf pour ceux qui les commanditent.

" Un économiste est un expert qui saura demain 
pourquoi ce qu'il avait prédit hier ne s'est pas produit aujourd'hui " (Laurence PETER).

Ainsi donc, l'argent ruisselle, l'argent des riches sur les plus pauvres. Disent-ils.

Ne faut-il pas des riches pour créer des emplois ? Qui peut croire sincèrement cela ? Le but d'un riche n'est pas de créer des emplois, il est avant tout de devenir plus riche. Le riche ne crée des emplois que pour devenir plus riche, et quand ce n'est plus le cas, il n'a rien à faire de ceux qui ont travaillé pour lui, puisque son but n'était pas de créer des emplois, mais d'être encore plus riche. Et dire, quel scandale, qu'il doit composer avec des syndicats et des gouvernements qui lui imposent des plans sociaux ! Rien que des empêcheurs à être riche, ceux-là, dit le riche !

Je constate que des citoyens, avec relativement peu de moyens au départ, car eux ne sont pas riches, et ont besoin d'un crédit près des banques, créent des petites entreprises, qui leur permettent de vivre et où ils engagent du personnel ; ils sont dans le fond le vrai tissu économique de nos régions. Pourquoi parle-t-on tant des premiers et pas assez des seconds ?

Les riches eux, avec la complicité de gouvernants fort peu éclairés, voire corrompus, ont assuré le démantèlement de nombreux services publics, au profit du privé (on a privatisé à tout va dans les années 80-90, sous des gouvernements de droite comme de gauche). Ils ont libéralisé les marchés, la libre concurrence devant assurer un juste prix, le plus bas, pour le consommateur ...  ce ne fut pas le cas, loin de là. Les institutions, les sociétés, les banques devaient atteindre une taille critique ; cela voulait dire que plus les autres devenaient gros, plus il fallait devenir gros aussi. Qu'est-ce que le recteur Legros (le bien nommé), a pu nous bassiner les oreilles avec ses propos sur "la taille critique" des universités au regard des rankings internationaux ! Certains lui en ont été reconnaissants, puisqu'il est devenu baron, pour avoir tenu des propos qui plaisaient en haut lieu.

Gros ? Regardez la saga Dexia. Il y avait le Crédit communal. Un projet simple : une banque de dépôt, comme toutes les autres banques de dépôt, offrant des crédits aux particuliers, mais avec deux finalités particulières : assurer aux pouvoirs locaux actionnaires, directs ou indirects, des revenus et un interlocuteur privilégié pour obtenir un crédit. Les déposants étaient d'accord sachant que leur argent servirait prioritairement à financer des projets locaux, donc de proximité.

Certains ont dit : quelle horreur ! Privatisons ! Grossissons ! La taille critique toujours, la grenouille qui veut devenir plus grosse que le boeuf. Des partenaires français pas trop honnêtes. Et l'épargne des déposants belges servant en fin de compte à financer les pouvoirs locaux français, aux abois suite à la politique volontariste du président Sarkozy, dont la politique a été d'équilibrer le budget de l'Etat en privant de ressources les pouvoirs locaux. Et puis, des prêts importants, qui mettent aujourd'hui la banque en difficulté, ont été notamment concédés à la Grêce. Le but premier - le financement de projets de proximité -a été ainsi noyé, ruiné, dans une politique de grandeur dont les victimes seront en définitive les actionnaires et les pouvoirs locaux belges.

Aujourd'hui, Dexia explose, comme la grenouille. La branche belge sera sans doute nationalisée, ce week-end (on va donc renationaliser ce qu'on avait privatisé, sans état d'âme, ni remords, ni excuses). Tous les délires (on appele cela aujourd'hui les "actifs toxiques" de cette supercherie) vont être situés dans une "bad bank". Dexia Banque Belgique, devenue banque publique, pour un temps, sera ensuite mise en vente sur le marché au plus offrant, dit-on. Car ce n'est pas le rôle de l'Etat de jouer au banquier, a dit le ministre Reynders. Pourquoi pas ? Des fonds du Qatar ou chinois rachèteront peut-être ce fleuron bancaire, mais, croyez moi, ce ne sera pour les beaux yeux de nos pouvoirs locaux.

Proudhon avait raison : " il ne s'agit pas de tuer la liberté individuelle, mais de la socialiser ". J'ajouterai de la moraliser.

Je laisserai le dernier mot à Jean-Claude Guillebaut, dans le Nouvel Observateur (n° 2446, p. 46) :

" Le "ruissellement" correspond ... à la théorie néo-libérale qu'avait formalisée le philosophe américain John Rawls dans son grand livre "A theory of justice", publié en 1971. Rawls soutenait alors qu'un accroissement des inégalités demeurait acceptable si l'effet dynamique ainsi produit profitait, même partiellement aux plus pauvres (on croit rêver !). Au nom de ce réalisme, certains suggéraient même de renoncer à l'égalité pour lui préférer l'équité (quels faux-jetons !) ... Certains à gauche se laissent encore intimider par ces fadaises. Sans doute ignorent-ils que, depuis la date de parution du livre de Rawls - et plus encore depuis le début des années 1980 -, les faits ont constamment démenti la "théorie". Durant cette longue période, et sauf ces toutes dernières années,  l'économie américaine a fait preuve d'un vrai dynamisme, et la richesse globalement produite (le PNB) a plus que doublé. Les inégalités se sont accrues dans des proportions vertigineuses, car loin de "ruisseler" vers le bas, ce surcroît de richesse a été accaparé par une infime minorité de nantis. Quant aux 20 % des américains les plus pauvres, ils ont vu leurs revenus diminuer alors même que le pays s'enrichissait, et ils ont dû s'endetter en proportion. La crise des subprimes de septembre 2008 - ce hold up légal - trouve là son origine. "



Et , pour finir :  "L'économie c'est la science du sordide, non de la pureté" (Alfred Sauvy).



1 commentaire:

  1. La page Wikipedia sur la "Théorie du ruissellement"
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_du_ruissellement

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