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samedi 15 octobre 2011

Conscience et dignité

Depuis que le reproche m'a été fait, à propos de mon article du 13 octobre, intitulé "L'argent ruisselle-t-il ?", par un commentateur anonyme, que je n'alignais que des clichés, ce que cet interlocuteur-censeur n'a  même pas cherché à démontrer, j'essaye de me garder de tout dérapage. Je pourrais me taire, rassuré par le fait que je suis loin d'être le seul à penser ce que je pense, mais une pensée ne devient pas pertinente par le seul fait qu'un grand nombre la partage.

Je me suis dès lors abstenu d'évoquer la décision de monsieur Mittal (non, le prénom de monsieur Mittal n'est pas Arcelor) concernant la sidérurgie à chaud dans le bassin liégeois. Il y a pourtant beaucoup à en dire. Mais comme je ne suis pas assez intelligent pour me livrer à cet exercice, et que je risque d'aligner pour cette raison des clichés, je me suis abstenu.  Je laisse donc dorénavant à d'autres le soin de prendre les risques dans l'analyse. Je m'en tiendrai au domaine qui me correspond le mieux, celui des sentiments, soit en deux mots : la brutalité et le cynisme, pour certains un mode de vie, voire des vertus.  D'autres, tellement plus intelligents que moi, seront ainsi toujours libres d'écrire sur Facebook les propos suivants : "... sans capitalistes, il n'y aurait pas d'anticapitalistes et ...  (ainsi) un grand nombre de gens seraient privés de la possibilité d'adopter une posture dénonciatrice et de donner un sens à leur vie terne et improductive". Si vous voulez connaître les coordonnées de ce jeune penseur, qui a une très haute idée de lui-même, je puis vous les communiquer. Il lui arrive de sévir dans la Libre Belgique.


Deux événements m'interpellent, ce jour :
- le gouvernement fédéral se fera donc sans Ecolo et sans Groen ;
- des indignés vont se rassembler un peu partout dans le monde.

Je déplore qu'Ecolo et son pendant Groen ne fassent pas partie du gouvernement fédéral. Pas seulement parce que ces deux partis liés ont été des partenaires loyaux, inventifs, constructifs, lors des négociations sur la réforme de l'Etat, embarqués dans le bateau, bien avant les deux partis libéraux, dont l'apport à la réforme institutionnelle est maigre, mais qui entendent bien s'affirmer dans le débat socio-économique. Je le déplore surtout pour la raison suivante : de tous les partis en lice, les verts sont peut-être les seuls qui voient au-delà du court terme et proposent des voies nouvelles. Après maintenant 500 jours de négociations, et alors qu'aucun accord n'est encore conclu sur la plan socio-économique, on va donc retrouver les mêmes dans le gouvernement. Attendez-vous donc à retrouver Reynders aux finances (ou aux affaires étrangères), Milquet à l'emploi, Onkelinx aux affaires sociales, de Crem à la défense, etc. Hallucinant, non ! Les partis qui pensent plus ou moins autrement, la NVA et les verts, sont mis hors jeu. Le plus piquant est que les deux partis qui ont le plus progressé, en Flandre, lors des dernières élections, étaient précisément la NVA et Groen ! Mais on va retrouver, au gouvernement, le CD&V et l' Open VLD dont les résultats électoraux frisaient la déroute aux élections de 2010. Attention ! Cliché : pourquoi encore aller voter, si c'est pour retrouver toujours les mêmes ? N'est-ce pas un déni de démocratie ? Mais qui crée le cliché, moi ou eux ?

La NVA a quand même remporté une victoire, il est beaucoup offert aux flamands. Elle pourra toujours dire que ce n'est pas assez, mais elle pourra difficilement contester que c'est après son départ de la table des négociations que les avancées les plus grandes pour les flamands ont été acquises.

Le second sujet n'est pas sans lien avec le premier. Le cri des indignés s'est répandu dans le monde entier sous des formes diverses, dans des contextes fort différents (le printemps arabe, la Puerta del sol, "Occupy Wall Street"). Le plus étonnant est de constater que, malgré ces différences, une communion se révèle : le rejet d'un pouvoir et d'un système au profit de quelques-uns et un cri d'alarme contre la précarité d'un nombre toujours plus grand d'individus sur cette terre. A l'ère de la mondialisation de l'information et des affaires, il est sain, dans le fond, que des solidarités mondiales naissent et que des oppositions s'affirment contre certains modèles de gouvernement, contre certains archaïsmes, contre le modèle économique unique qui prétend régir la planète et cause tant de dégâts (sociaux, environnementaux, géopolitiques ...). Il est réjouissant que des citoyens de la planète s'affirment, ne pensant pas qu'à eux-mêmes, mais à tous ceux dont ils partagent le sort dans le monde.

On reproche souvent aux indignés de dénoncer, mais de ne rien proposer. C'est déjà très bien de dénoncer et de réclamer qu'on ouvre les fenêtres vers un autre monde, meilleur on l'espère, plus centré sur l'humain et beaucoup moins sur l'argent, qu'on y réfléchisse, qu'on s'y prépare. On ne peut pas demander à un peuple en colère de construire un nouveau monde. Il faut des penseurs pour cela.

Il en existe, mais leurs voix restent trop discrètes. Je ne les ai pas vu inspirer en tout cas les négociateurs pour un futur gouvernement belge. Réalisme contre utopie ? Les seuls à même d'assurer cette bouffée d'air étaient peut-être les verts, mais on n'a pas voulu d'eux.

Il est surtout faux de penser qu'il n'y a pas d'alternative à la loi du marché, à la mondialisation. Comme toujours, il s'agit de mesure. Je trouve assez pertinents et raisonnables les propos d'économistes sérieux qui proposent notamment :
- une économie ne faisant pas de la croissance un mythe ; il n'est pas si sûr que la croissance soit vraiment bénéfique au plus grand nombre. Vivre sur le modèle de la décroissance, c'est revenir à ce qui est essentiel, ce qui ne veut pas dire vivre de manière austère ou moyen-âgeuse;
- une économie faisant retour vers les productions locales, les circuits courts de distribution, la circulation locale de la monnaie, chaque fois que cela est possible, car ce n'est pas possible en tout ;
- une part plus grande pour l'économie sociale qui offre aux plus faibles un travail, une source de revenus et une dignité.

La "dignité" : n'est-ce pas le mot qu'il faudrait substituer au mot "profit"?

La différence entre "dignité" et "indigné" est ténue.

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