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dimanche 21 août 2011

Rallye entre Condroz, Namurois et Haute Meuse

C'était jeudi dernier, parti tôt, j'ai sillonné les routes du Condroz, du Namurois et de la Haute Meuse, seul, au volant de ma voiture, avec une seule consigne : prendre les chemins de traverse, sans but précis, me fiant à chaque carrefour à mon instinct. Je me suis perdu, puis retrouvé, et ai découvert ainsi des lieux inconnus et fort avenants. J'avais bien l'un ou l'autre repère ; étant ce que je suis, il s'agissait de l'abbaye de Maredsous et du monastère de Chevetogne dont la particularité est de comporter deux églises : une latine et une bizantine (la communauté assurant l'office selon le rite latin et selon le rite byzantin, tantôt en grec, tantôt en slavon).

http://www.maredsous.be/
http://www.monasterechevetogne.com

Cette région, qui comporte un "circuit des vallées", est fort verdoyante et est une terre de châteaux et d'abbayes. J'avais quand même un but précis en tête : visiter le château de Freyr et ses jardins. Quand j'étais encore enfant et que nous partions en Bretagne pour les vacances, mon père suivait un itinéraire qui m'a toujours surpris (il n'y avait pas d'autoroutes à cette époque ; la seule autoroute qui existait en Belgique était l'autoroute de la mer de Bruxelles à Ostende). L'itinéraire de mon père, pour aller en Bretagne, passait par Dinant et Givet, en longeant la Meuse, et nous passions, toujours sans nous arrêter devant le château de Freyr. Ma journée a donc consisté à baguenauder et à faire quelques étapes.

Entre Liège et Dinant, j'ai d'abord pris la voie rapide, puis quitté celle-ci, passant par de charmants villages avec leurs demeures aux pierres grises. J'ai vu le château de Leignon, mais je ne me suis pas attardé. Il m'a paru un peu présomptueux. Les guides touristiques l'appellent le "château aux mille fenêtres" ! Le plus intéressant a été d'apprendre que les terres sur lequel se trouve le château de Leignon relevaient jadis de la principauté abbatiale de Stavelot, pourtant bien éloignée !




Il faut dire qu'au tournant du 19ème siècle, de grandes fortunes souvent liées au monde des affaires ont tenu à afficher leur opulence. Quand on a de l'argent, il faut que cela se voit, sinon à quoi bon.  Le château de Leignon en est, je pense, un exemple. On trouve des constructions du même type un peu partout. Je pense, par exemple, au manoir de Lébioles, à Spa, aujourd'hui transformé en hôtel de luxe, ou, un peu plus loin, à la villa Henessy à Dinard.


Manoir de Lébioles à Spa


Villa Hennessy à Dinard


Après une traversée de la ville de Dinant chaotique, comme toujours - ce qui m'enlève à chaque fois toute envie de m'y arrêter et de m'y attarder - direction Givet et première vraie étape: le château de Freyr et ses jardins, à ras de Meuse, entre Dinant et Givet : une résidence pour de vrais seigneurs, un lieu chargé d'histoire, un site naturel exceptionnel et un des rares exemples de jardin "à la française", en Belgique.

Le site est d'une grande beauté. Sur la rive droite de la Meuse, des rochers abrupts plongent dans l'eau. Sur la rive gauche, plus douce, le château et ses jardins. Ceux-ci s'organisent en deux axes et quelques figures géométriques. Je ne me suis guère attardé à l'histoire : c'est le site que je voulais découvrir et ressentir.







L'heure de midi approchait et un sentiment de faim commençait à m'envahir. Retourner à Dinant, pour y manger ? Impensable. Je décidai de remonter la Meuse en direction de Namur. Je n'étais pas très loin de Maredsous. Je savais que j'y trouverais de quoi me nourrir sainement. La route sinueuse (12 km) qui longe la Molignée, de la Meuse jusqu'à Maredsous, paraît interminable, quand enfin apparaissent les bâtiments imposants sur la colline. Je suis arrivé "pile-poile" pour l'office de midi et la messe communautaire, puis ai mangé frugalement : une tartine (sans beurre) au jambon fumé, puis une autre (toujours sans beurre) au fromage de Maredsous, avec une bière blonde ... de Maredsous évidemment (j'en ai même repris une deuxième).





Je n'aime pas trop l'abbaye de Maredsous. Les bâtiments ne manquent pas de grandeur, mais, à chaque fois que j'y vais, je suis déçu. Je ne me sens pas touché. Certes, j'étais, ce jeudi, un visiteur touriste, comme de très nombreux autres, le lieu étant très fréquenté en été.

Comme de nombreuses autres abbayes, l'histoire de Maredsous est liée à de grandes familles, celles qui portent un nom. Elles ont donné des terres, elles ont financé la construction du monastère, elles y ont envoyé comme moines certains de leurs fils. Maredsous donne plus que d'autres l'image d'une abbaye aristocratique. A Maredsous, il y a aussi un collège et un internat, plus ouvert aujourd'hui qu'hier, je crois, mais qui a été un lieu où les fils de bonne famille se préparaient à de grands destins (économiques, diplomatiques, politiques). J'ai été fort surpris, me promenant au départ de l'abbaye, de constater que juste à côté de celle-ci se trouve un terrain de golf, avec une enseigne "propriété privée". Est-il destiné aux moines, ou à leurs élèves, peut-être apprendre à jouer au golf fait-il partie du cursus de tout homme de bien ?

Etrange région : à moins d'un kilomètre de l'abbaye de Maredsous, existe une autre abbaye, à Maredret, un peu moins imposante, mais apparemment du même architecte, où vivent des moniales bénédictines. Il serait intéressant de recouper les noms de famille des moines de Maredsous et des moniales de Maredret. On y trouverait des frères et soeurs, des cousins et cousines ... Cela donne l'impression que, dans les grandes familles, qui ont toujours compté - Dieu sait pourquoi - beaucoup d'enfants, on misait sur les poulains prometteurs et on assurait aux autres une vie digne de leur rang au couvent. Entrait-on alors au monastère par vocation ? Aussi sans doute parfois.




Le plus inattendu est de découvrir qu'à trois kilomètres de là se trouve encore un autre monastère de moniales bénédictines à Ermeton-sur-Biert, dans un château en plein village, dont la fondation relève d'un moine de Maredsous. S'ils ne se reproduisent pas, ils essaiment en tout cas. Il est pathétique pourtant de constater que les stalles du choeur des moniales à Maredret ont été conçues, il y a à un peu plus de cent ans, à peine, pour accueillir au moins 60 religieuses et qu'elle sont aujourd'hui une poignée, très âgées ou venant d'Afrique.

J'ai décidé de me concentrer sur la nature, très belle, pour une très agréable promenade de 6 km dans des sous-bois ombragés.

Je reprends ensuite mon périple : Ermeton, Mettet, ... et Bioul! Bioul, méritait une halte. Ce lieu mythique, depuis le faux journal de Jacques Jossart, dans les années 1980, existe donc bien. Une jolie église en pierre du pays, jouxtant un château de belle allure, un café des sports et une épicerie. Je longe le château d'Annevoie et ses célèbres jardins d'eau, à l'image de ceux que l'on peut découvrir dans les palais italiens autour de Rome.

Je plonge vers la Meuse. Les ponts ne sont pas légion pour passer d'une rive à l'autre à cet endroit.

La signalisation me parle de Mont-Godinne ... je me rappelle alors que le premier hôpital où Az. a été envoyé, quand il est arrivé en Belgique, était l'hôpital de Mont-Godinne. Il a dû se sentir fort perdu  là-bas. Village de Ohey (un compagnon de classe, au collège, venait de ce village). Puis bifurcation, je rejoins Crupet, un très beau village, son donjon et son étrange grotte dédiée à Saint Antoine.







Oui, les personnages sont grandeur nature ! L'ambiance est un peu glauque et je n'ai à ce jour rencontré d'équivalent qu'en Espagne et au Portugal. Mais si vous voulez vous faire caresser les cheveux par le diable, c'est là qu'il faut aller.

Retour vers le Condroz. Havelange, Pailhe, Les Avins (lieu d'un week-end scout mémorable), Pont-de-Bonne (le château de Modave est tout proche, ce sera pour une autre fois). J'aperçois alors une plaque indiquant Villers-le-Temple. Il y a quelques années, nous avions fêté, à l'époque où la famille était moins chétive qu'aujourd'hui, les cinquante ans de ma mère dans un très beau et très bon restaurant sis dans une ancienne commanderie de templiers. Le bâtiment existe toujours, le restaurant plus. Je poursuis l'aventure découvrant avec surprise à quel point les côteaux de la rive droite de la Meuse, sont, à cet endroit, boisés.

Tout à coup, une invitation à rejoindre Saint Séverin. J'y parviens à travers une petite route de campagne totalement cabossée serpentant entre champs, pâtures et chemins creux. Et là, le miracle. Cette petite place au milieu du village, l'étang, l'église romane du 12ème siècle parfaitement entretenue, de style bourguignon. J'en fais le tour à travers le cimetière ancien. J'y pénètre et j'y reste un temps assez long ; j'ai même de la peine à partir. Les panneaux expliquant l'architecture et l'histoire me paraissent superflus. Quand je pénètre dans une église comme celle-là, je ressens en moi des choses, comme une dilatation de mon être. J'avais envie de chanter une mélodie grégorienne : le Salve Regina de la Trappe, une des rares mélodies grégoriennes que je connaisse par coeur. J'étais seul, j'ai commencé, des gens sont entrés, je n'ai plus osé, je me suis arrêté net.



J'y retournerai pour faire des photos. Par un des ce mystères dont seul mon fils Sam a le secret  - car il en est généralement l'explication - mon appareil photo refusait obstinément de prendre quelque photo que ce soit.

De retour sur la grand-route, je décide de rejoindre la "Roche aux Faucons" pour contempler un autre beau paysage ; puis Esneux, Tilff et Liège.




L'Ourthe vue de la Roche aux Faucons


J'ai beaucoup roulé, pendant cette journée, vu beaucoup de belles choses et ressenti autant d'émotions. Et puis, rouler sans but me plaît.




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