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jeudi 11 août 2011

L'induction comme mode de pensée : cas d'espèce et où cela mène

Il ne s'agit point de me livrer ici à un examen comparatif des méthodes d'apprentissage inductives et/ou déductives, ni de tenter de discerner en quoi elles sont l'une et/ou l'autre utiles en matière d'enseignement et de réflexion. Ce n'est pas mon propos. Je souhaiterais plus simplement m'arrêter au fait que certains se fondent sur un comportement ou une parole pour estimer qu'ils "induisent" des choses que l'auteur du comportement ou de la parole ne soupçonne même pas, jusqu'à lui faire dire parfois le contraire de ce qu'il souhaitait exprimer.

Une personne de mon entourage aime beaucoup voir dans les propos de chacun ce qu'ils induisent. Cela est assez angoissant, car, chaque fois que vous ouvrez la bouche le plus sincèrement du monde, il comprend autre chose, votre propos induit.

Il y a au moins deux aspects.

Premier aspect : induire, d'après mon cher Robert, signifie amener, encourager, inciter, inviter. Pour la personne à laquelle je pense, apparemment, cela veut dire tout autre chose et correspond à ce que l'on pourrait appeler le "double langage", dont l'interlocuteur est a priori suspecté. Il y aurait derrière les mots des intentions que le discours n'affiche pas, mais que cette personne connaît, alors que vous peut-être pas. Avec un tel interlocuteur, il est évidemment malaisé de dialoguer. Il écoute ce que vous dites, mais il entend autre chose.

Deuxième aspect : en logique, l'induction est un mode de raisonnement qui a souvent été jugé contestable, car il consiste, partant d'éléments particuliers, à une généralisation, fondée sur le fait que tout se rattache nécessairement à une règle et qui mène souvent à une conclusion erronée, cette règle n'existant en général que dans la tête de celui qui tient le raisonnement, sans avoir été aucunement validée.

L'histoire a fourni quelques beaux exemples de l'absurdité de la méthode inductive.

"Socrate est chauve ;
Socrate est un homme ;
Donc les hommes sont chauves".

Autre bel exemple, donné par Claude Bernard :

"Un lapin normalement nourri a une urine basique ;
le même lapin à jeun a une urine acide ;
donc tous les herbivores ont une urine basique ;
alors que tous les animaux mal nourris et les carnivores ont une urine acide ".

Ou encore, "si je ne rencontre que des chats gris, il me sera facile d'en induire que tous les chats sont gris avec un fort niveau de certitude ; mais si je parviens à réaliser que le fait que les chats sont gris puisse être une particularité de la région où je vis, et qu'il pourrait exister dans une autre région des chats roux ou des chats verts (une hypothèse réelle et une hypothèse absurde), je découvrirai que mon raisonnement est caduc".

Un conflit familial, une fois de plus, m'a confronté à ce curieux mode de pensée.

En psychologie, on parle de résilience à propos d'individus qui ont réussi à surmonter un traumatisme important (un décès, un abandon, une catastrophe, un handicap). Comme certains individus ont réussi, mieux que d'autres voués au même sort, à surmonter ce traumatisme, les psychologues se sont interrogés sur leur capacité particulière de "résilience". Les premières observations ont porté sur des rescapés des camps de concentration, puis ensuite, sur des orphelins de Bogota vivant dans la rue. L'instinct de survie a pu jouer un rôle, la confiance en soi aussi, notamment ; des personnes-relais (des "tuteurs de résilience") ont aussi joué un rôle important. Cela concerne pourtant un nombre limité de cas ; car, certains ont de la peine avec la résilience et n'y arrivent jamais, malgré le soutien et l'encadrement des tuteurs.

Mes deux fils, adoptés, portent en eux un traumatisme fondamental : l'abandon à la naissance ou peu après celle-ci et l'absence d'informations sur leurs origines (sans compter le parcours chaotique de leur famille adoptive). Ils sont donc confrontés à la résilience. Mais quand me sont rapportés des propos, émanant apparemment d'une psychologue de passage, dénonçant l'encadrement et l'assistance que certains dans ma famille, moi surtout, offrons à ces deux garçons, expliquant que cela ne les mènera à rien, et qu'il vaudrait mieux leur couper les vivres, pour les confronter à l'instinct de survie, je ne parviens pas à être convaincu. Pourquoi ? Parce que le raisonnement inductif est ici exercé avec ses habituelles conclusions simplistes. Le cas particulier ne doit pas devenir la norme. En l'espèce, cela donne ceci :

"Des orphelins vivant dans la rue à Bogota ont surmonté leur situation.
L'instinct de survie a manifestement joué un rôle.
Vos fils, qui vivent un traumatisme fondamental similaire, doivent être mis à la rue, il faut leur couper les vivres ; seule manière pour qu'ils s'en sortent et ne restent pas des assistés".

Je vous laisse apprécier la subtilité du raisonnement.

Il n'y a pas de norme et la dernière chose à faire, en psychologie, est de vouloir faire entrer un sujet dans un moule, qui ne se veut qu'explicatif.

Mais, je n'en suis pas resté là. Le verbe "induire", dans le sens de "induire des choses" me préoccupe. Pourquoi fait-il à ce point partie du vocabulaire de certains ?

Sans chercher à tirer des conclusions hâtives, deux informations livrées à l'état brut, mais fort liées au contexte néanmoins.

Blaise Pascal a écrit : "Dieu tente, mais il n'induit pas en erreur". Des commentaires divers ont été écrits sur ce petit bout de phrase. Avec un peu de mauvaise foi, ce dont je suis parfaitement capable, on peut le comprendre comme ceci : même lorsque nous sommes tentés, on peut voir dans la tentation l'oeuvre de Dieu et, comme le but de Dieu n'est pas de nous induire en erreur, cela donne une bonne raison de succomber à cette tentation. Cela montre qu'on peut arriver à beaucoup de choses avec le verbe "induire". J'en suis le témoin. Il faut parfois accepter d'être de mauvaise foi pour comprendre la mauvaise foi de l'autre.

Mais, il y a plus grave, car mon propos précédent se situait sur le mode la plaisanterie. Jongler avec ce qui est induit, plus qu'avec ce qui est dit, serait une caractéristique des pervers narcissiques.

Attention, il faut établir une différence entre deux catégories de narcissiques :
- ceux qui souffrent d'un trouble narcissique ;
- ceux qui souffrent d'une perversion narcissique.

Le trouble narcissique peut-être défini, selon Wikipedia, comme la surestimation de soi-même et de ses capacités, l'impression d'être unique, le besoin d'être reconnu comme exceptionnel tout en acceptant difficilement les critiques. Ce besoin d'être admiré peut être associé à un manque de reconnaissance d'autrui et une absence d'empathie. Ouf ! Cela n'est vraiment pas mon cas, mais j'en connais un certain nombre qui correspondent assez bien à cette définition.

La perversion, qu'elle soit ou non narcissique, désigne toujours le fait de détourner, de renverser et de retourner, les choses, les situations, les relations, pour satisfaire ses propres besoins ou pulsions. Le pervers utilise l'autre, et même parfois les institutions, à cette fin.

Quant aux pervers narcissiques, certains traits les identifient particulièrement et notamment :
- ils ont une grande force de conviction ;
- ils aiment donner d'eux l'image d'un martyr, ils pensent se sacrifier ou se vouer à une grande cause ;
- ils sont manipulateurs et, pour sortir indemnes et victorieux, ils sont prêts à semer les graines de la discorde et de la suspicion dans leur entourage ;
- les pervers narcissiques sont des psychotiques "sans symptômes", qui trouvent leur équilibre en déchargeant sur un autre la douleur qu'ils ne ressentent pas et les contradictions internes qu'ils refusent de percevoir. Ils ne font pas exprès de faire mal, ils font mal parce qu'ils ne savent pas faire autrement pour exister. Ils ont eux-mêmes été blessés dans leur enfance et essaient de se maintenir ainsi en vie ;
- la séduction fait partie de leur stratégie ;
- se montrer protecteur est pour eux une arme ;
- leur communication est d'abord faite de fausses vérités ; par la suite, dans le conflit ouvert, elle fait un recours manifeste, sans honte, au mensonge le plus grossier ;
- les pervers narcissiques trouvent toujours le moyen d'avoir raison. Ils pratiquent un mensonge convaincu pour convaincre l'autre ;
- le problème du pervers narcissique est de remédier à son vide. Pour ne pas avoir à affronter ce vide (ce qui serait sa guérison) ... il devient pervers au sens premier du terme : il se détourne de son vide (alors que le non-pervers affronte ce vide). D'où son amour et sa haine pour une personnalité maternelle, la figure la plus explicite de la vie interne. Il a besoin de la chair et de la substance de l'autre pour se remplir; mais il est incapable de se nourrir de cette substance charnelle, car il ne dispose même pas d'un début de substance qui lui permettrait d'accueillir, d'accrocher et de faire sienne la substance de l'autre;
- les pervers narcissiques ressentent une envie très intense à l'égard de ceux qui semblent posséder les choses qu'ils n'ont pas ou qui simplement tirent plaisir de leur vie.

J'en ai dit assez pour éprouver quelque inquiétude.


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