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jeudi 30 juin 2011

Ma grand-mère "teke teke" et mon destin

Mes grands-mères paternelles et maternelles étaient aussi dissemblables que possible. J'ai peu connu la première, que j'appelais "mémère", mais garde des souvenirs très précis dont je parlerai un jour comme d'un patrimoine à sauvegarder.

Longtemps, j'ai appelé ma grand-mère maternelle "teke teke", avant de finir par l'appeler "bonne maman". Elle a joué un rôle considérable dans mon éducation et sans doute façonné une grande part de ce que je suis aujourd'hui.

Parmi mes tout premiers souvenirs, j'aimais que ma grand-mère dessine des lunes .. soit des ronds agrémentés de quelques traits qui exprimaient des émotions diverses. Initiation aux emoticons d'aujourd'hui.

Plus tard, devenu écolier, j'allais faire mes devoirs et dormir chez elle une fois par semaine. Comme elle a été institutrice, puis directrice d'école, elle ajoutait toujours des exercices à ceux que mon instituteur avait donnés. Elle utilisait, à cette fin, un manuel qui s'intitulait "Vite et bien". Je n'avais guère le droit à l'erreur. Son unique petit-fils ne pouvait pas la décevoir. En échange, elle m'autorisait à lui donner des exercices aussi, dans lesquelles elle glissait des erreurs volontaires, à charge pour moi de les repérer!

Son emprise était forte, puisque, quand nous étions en vacances à Saint Lunaire, en Bretagne, elle était parvenue à me convaincre de servir la messe de 7 heures, à laquelle elle assistait quotidiennement. J'ai ainsi appris à servir la messe en latin. Après la messe, nous allions acheter le pain encore chaud chez le boulanger proche de l'église. Ma grand-tante bretonne raillait le petit "cureton" que j'étais déjà.

Pendant plusieurs années, j'ai aussi accompagné ma grand-mère dans ses randonnées pédestres avec le Vieux-Liège. Nous étions trois enfants. J'ai ainsi visité des châteaux, des églises, découvert de vieilles chapelles, des calvaires, parcouru les Fagnes, les champs et les forêts en présence d'adultes éclairés, cultivés et bienveillants. J'ai appris, à cette occasion, qu'on ne devait pas dire: "Bonjour, monsieur" mais "Bonjour, monsieur le professeur" à un professeur d'université et moins encore un "Bonjour" désinvolte.

Ma grand-mère était entretemps devenue oblate de Saint Benoît. Elle portait ainsi un scapulaire, signe de son oblation.

Je n'ai jamais cessé d'aller une fois par semaine chez ma grand-mère, même quand j'étais étudiant à l'université. Elle s'intéressait à mes cours, aux syllabus que je recevais. Et nous parlions souvent de religion.
Elle suivait alors des cours au séminaire qui la perturbaient parfois. Moi, j'étais déjà un chrétien rebelle et en question, mais un chrétien quand même.

Un jour, je lui ai demandé: "Pourquoi n'es-tu pas devenue moniale bénédictine? Je sais que c'est, dans le fond, ton désir". La réponse a été simple: "j'ai trois filles et un petit-fils qui retiennent beaucoup de mon attention".

Il est vrai, ma grand-mère a tout donné à ses filles, même quand elles étaient au loin, et à son petit-fils. Elle devait être là, par exemple, quand ma tante Anne a été hospitalisée à Paris avec une maladie rare. Elle l'a accueillie ensuite chez elle, lui laissant sa chambre et dormant sur le lit pliant prévu pour les invités de passage.

Ne suis-je pas en train de reproduire ce qu'elle a vécu aujourd'hui avec Sam et Ben?

"Si quelqu'un vient à moi sans me préférer à son père, sa femme, ses enfants, ses frères, ses soeurs et même à sa propre vie, il ne peut être mon disciple" (Lc, 14, 26). Cette parole m'interpelle de plus en plus.

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