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lundi 24 janvier 2011

L'homme politique est-il un cas pathologique?

Ils étaient donc, hier, plusieurs dizaines de milliers de citoyens à défiler dans les rues de Bruxelles pour dire "Shame" aux élus, et surtout aux présidents de partis qui, depuis 225 jours, ont sans doute discuté, travaillé et pinaillé, leurs collaborateurs et experts aussi, mais n'ont toujours pas commencé à négocier la moindre constitution d'un gouvernement, pour la simple raison qu'ils ont décidé, du moins certains d'entre eux, de tout subordonner à un préalable: une réforme copernicienne de l'Etat.

Ceci m'inspire plusieurs réflexions.

1. Puisqu'il s'agit de définir un nouvel Etat, qui ne ressemblera plus au précédent, et non pas seulement de former un gouvernement, ne serait-il pas sage de se donner du temps, sans tout paralyser comme maintenant? Ne serait-il pas sage de réunir sur le sujet toutes les forces vives, politiques et non politiques, des deux côtés de la frontière linguistique, et de soumettre le projet une fois abouti à un referendum? Or, que voit-on? Ce débat préalable est mené entre sept partis seulement qui, s'ils parviennent un jour à s'entendre sur les réformes institutionnelles, ne semblent guère appelés à s'entendre davantage sur les enjeux socio-économiques. Combien de jours faudra-t-il encore alors? Quant à un referendum, il est craint par ces politiques pour deux raisons, aussi aléatoires l'une que l'autre: la peur d'être désavoué; la peur d'une crispation plus grande encore.

2. Le défi que doit relever aujourd'hui le peuple tunisien pour créer un nouvel Etat, totalement affranchi du précédent, m'interpelle. On en appelle, en Tunisie, pour définir ce nouvel Etat, à la fois à l'union nationale et à la rupture. Le peuple tunisien veut repartir d'une page blanche, ce qui implique la mise à l'écart dans le gouvernement de transition de ceux qui incarnent l'ancien régime. Mais on y parle aussi d'union nationale. Cette vision juste, que donne-t-elle en Belgique?

3. On parle, à propos du conflit israélo-palestinien, de "négociations dans l'impasse". On ne cesse même d'en parler depuis des années. A chaque fois qu'il y a une dose d'espoir d'arriver à un accord partiel, un "sniper" ruine cet espoir. La comparaison est peut-être hasardeuse, mais cela ressemble étrangement à ce que nous vivons actuellement en Belgique. Pour mon pays, j'aimerais que cela dure moins longtemps (figurer au Guiness Book, comme recordman de la mésentente, ne me plaît guère). La chaine de télévision Al-Djazira a mis au jour des documents, diffusés aujourd'hui par Wikileaks, relatifs aux négociations israélo-palestiniennes. J'invite mes lecteurs, et nos négociateurs, à les lire attentivement mutatis mutandis.


http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2011/01/24/revelations-de-documents-sur-le-proche-orient-israel-avait-un-partenaire-pour-la-paix_1469612_3218.html#ens_id=1228030


4. Ils n'en ratent pas une. Les commentaires des politiques à propos de la manifestation d'hier valent de l'or. La palme revient au CDH et à Ecolo, qui se réjouissent de ce mouvement citoyen qui leur dit pourtant: "Honte à vous". Seraient-ils  "maso" ou trop prompts à vouloir exister médiatiquement? Le CD&V fait fort aussi: ce mouvement populaire est un appel à une scission de BHV et à une profonde  réforme de l'Etat. Je me demande où ils ont été chercher cela et je ne suis pas sûr du tout que cela corresponde au sentiment de ceux qui ont défilé, flamands, francophones et germanophones. Bien entendu, l'encore président du MR, Didier Reynders, n'a pas été avare de commentaires. Les partis participant aux négociations et qui se réjouissent de ce sursaut populaire "représentent le degré zéro de la politique". Reconnaissons-lui une suggestion opportune: diffuser largement le contenu de la note Van de Lanotte dans les trois langues du pays. Jean-Michel Javaux, co-président d'Ecolo, répond que, dès avant la manifestation, le président du MR s'est répandu pour interpréter la manifestation comme une "claque" pour ceux qui négocient. Mon Dieu, comme ils s'aiment tous ces mini-schtroumphs! On finira par se demander si, à force de se fréquenter, tous ces "degrés zéro de la politique" ne se contaminent pas l'un l'autre.

http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/637867/shame-toutes-les-reactions-des-politiques.html
http://www.lalibre.be/actu/elections-2010/article/638060/ecolo-pret-a-quitter-la-negociation-si-rien-ne-bouge.html
http://archives.lesoir.be/shame-les-politiques-disent-entendre-le-message_t-20110123-017MJG.html?query=shame+r%E9actions&firstHit=0&by=10&sort=datedesc&when=-1&queryor=shame+r%E9actions&pos=7&all=16077&nav=1

Ceci dit, il n'y a qu'en Belgique qu'on se trouve confronté à une note Van de Lanotte! Comment est-il possible de s'en sortir? Peut-être, trois petites notes de musique ... "qui vous font la nique", comme chantait Yves Montand.

5. Ce qui me réjouit, c'est la capacité qu'ont les belges de réagir avec humour, avec le "petit plus" surréaliste qui nous caractérise. Chez nous, on est capable de se laisser pousser la barbe pour avoir un gouvernement. De camper virtuellement au 16, rue de la Loi. De lancer une campagne: "embrassez-vous par dessus la frontière linguistique". Les ressortissants étrangers ne doivent pas nous comprendre.

6. Impossible de terminer ce post sans évoquer une incontournable incarnation du politique: Nicolas Sarkozy. Tout le monde sait qu'il n'écrit pas ses discours. En serait-il seulement capable? Il dispose donc d'un nègre, lequel est cultivé, mais n'utilise pas nécessairement ses références culturelles à bon escient. Henri Guaino, puisque c'est de lui qu'il s'agit, a inventé pour son président Sarko une formule, qui devait faire mouche: je conduirai une "politique de civilisation", formule empruntée à Edgar Morin. Voici ce qu'en dit l'intéressé, dans des mémoires:

"Pendant ses vœux, Nicolas Sarkozy a parlé de « politique de civilisation ». Son conseiller, Henri Guaino, qui connaissait au moins le titre, a eu cette idée. Quelques journaux ont dit que j'avais été pillé. Dans Le Monde, j'ai dit que je ne savais pas ce que Nicolas Sarkozy entendais par là et j'ai expliqué ce que j'entendais par « politique de civilisation ».
Comme je n'avais pas été très agressif, j'ai été invité à rencontrer Nicolas Sarkozy à l'Elysée. Il m'a dit que, pour lui, la civilisation, c'était l'identité, la nation, etc. J'ai expliqué : « C'est lutter contres les maux de notre civilisation tout en sauvegardant ses aspects positifs. » La discussion a été cordiale.
Il s'est trouvé qu'en le quittant, je lui ai dit : « Je suis sûr que, dans vos discours, vous êtes sincère les trois quarts du temps, ce qui vous permet le dernier quart de dire autre chose. » C'était une petite blague.
Le lendemain, un journaliste interpelle Sarko sur la « politique de civilisation » et il a répondu : « J'ai reçu Edgar Morin hier. Il m'a assuré être d'accord avec les trois quarts de ma politique. » 


http://www.rue89.com/entretien/2011/01/23/edgar-morin-une-voie-pour-eviter-le-desastre-annonce-187032


Pathologique, vous disais-je.

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