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samedi 2 octobre 2010

Le grand n'importe quoi

Je souhaite évoquer ici un livre intitulé Le grand n'importe quoi (Calmann-Lévy, 2010), où se livre quelqu'un qui est loin d'être un "grand n'importe qui". La preuve: il a l'humilité dès la page de garde d'avouer qu'un comparse l'a aidé dans la réalisation de cet ouvrage.

Je veux parler ici de Jean-Pierre Marielle. Pour moi, il est d'abord (comme Pierre Fresnais, Pierre Brasseur ou Philippe Noiret ou ... Arletty, par exemple) une voix, reconnaissable entre toutes. A propos de sa voix de basse bien timbrée, il écrit ceci: "Le public s'imagine que chaque matin je me gargarise au bourbon, fume un ou deux cigares épais comme une cuisse de catcheur, et grignote des grains de poivre toute la journée, sans oublier le paquet de Gitanes brunes réglementaires avant le coucher. Il sera déçu: c'est une affaire de fosses nasales, de résonance. Parmi les rares enseignements que je pourrais prodiguer, il y aurait l'interdiction absolue de se faire opérer des fosses nasales: ronflez s'il le faut, mais gardez-les intactes. Sait-on jamais, elles font de vous certes un compagnon de lit inhospitalier mais peut-être un comédien en puissance - ou une attraction de fête foraine. Cette disposition anatomique ne se travaille pas, elle s'encourage, sans régime particulier, juste en se mettant des mots en bouche" (p. 184).




L'individu n'est pas qu'une voix, il est un très grand comédien à l'aise aussi bien dans la truculence (Les grands ducs) que dans l'austérité (Monsieur de Sainte Colombe dans Tous les matins du monde  ou le procurateur  dans La controverse de Valladolid).

Il est aussi - et c'est  cela qui me touche - un être décalé, dans lequel je me retrouve totalement, lorsqu'il écrit, à propos des mondanités cannoises et après avoir passé six heures angoissées, cloîtré dans sa chambre d'hôtel, et s'être contraint de s'en extraire: "cet épisode témoigne de ma difficulté à évoluer dans le monde réel; la confrontation avec le prosaïsme ... me donne envie de rester caché; il est vital de trouver d'agréables compagnons pour le traverser" (p. 33).

Il écrit aussi ceci,  à propos des artistes: "Explorateurs, poètes, ce sont les acteurs qui nous emmènent visiter des contrées inconnues, nous dévoilent le monde tel qu'on ne l'imaginait pas, ouvrent des portes dont on ne soupçonnait même pas l'existence. Ils font voir et entendre autrement et autre chose que les évidences. Serge Reggiani en était. Jean Gabin, en dépit de son imposant talent, non. Sans eux, nos sens seraient moins sensibles, si ce n'est impuissants. Ils sont à l'opposé de ceux qui fabriquent leurs rôles, clés de douze et boulons à portée de main" (p. 20).

Et puis ceci, l'amour: "c'est un mot agréable en bouche, surtout précédé d'un adjectif possessif" (p. 13).





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