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mercredi 1 septembre 2010

Qui s'élève, qui s'abaisse

Très souvent, dans ma vie, je me suis trouvé, comme par hasard, confronté à une convergence étonnante des mots, des lectures, des expériences.

C'est sans aucune intention particulière que je suis allé sur le site du monastère bénédictin de Wavreumont, qui a tenu une importance tellement grande dans ma vie. Frère Pierre, quelqu'un que j'apprécie beaucoup, y faisait, dimanche dernier, l'homélie suivante:

"Qui s'élève sera abaissé et qui s'abaisse sera élevé." 
Cette parole a surtout fait croire aux chrétiens qu'il fallait se mépriser soi-même…

Comment comprendre cette parole, que veut dire "s'abaisser"? ...
 Que nous dit Jésus dans cette page d'évangile? 
Il ne fait pas du tout un discours théorique sur l'élèvement ou l'abaissement, il prend seulement l'exemple d'une personne qui invite des gens à un repas. Et l'on sait que dans le monde, la coutume consiste à réinviter les personnes qui nous ont invité. 
Jésus va à contre-courant de cette manière de faire. Au lieu d'inviter en risquant - ou en espérant - de se faire réinviter, Jésus propose d'inviter des personnes qui ne peuvent apparemment rien rendre en retour.
Il semble que Jésus nous donne ici une petite instruction d'humanisme. Comment l'homme peut-il s'élever en vérité?
Dans la première partie de l'évangile, Jésus met en situation des gens qui s'apprécient mutuellement, ils s'honorent les uns les autres, ils se renvoient chacun une image positive de leur personne. Au fond, ils se regardent en s'admirant eux-mêmes puisqu'ils ont en face d'eux des personnes qui leur renvoient leur propre image.
Dans la deuxième partie de l'évangile, Jésus propose d'inviter plutôt des gens déconcertants: des pauvres, des personnes blessées par la vie comme les estropiés, les boiteux ou les aveugles que cite Jésus. Ceux-là "n'ont rien à te rendre" dira-t-il, ou plutôt il précise que "cela te sera rendu à la résurrection des justes".

S'abaisser signifie pour Jésus s'ouvrir à un monde nouveau avec des personnes différentes et ne pas s'enfermer dans le cercle restreint des personnes semblables.
L'évangile nous invite à nous interroger sur nos rencontres. 
C'est vrai, toute personne est à l'image de Dieu et donc chacune nous dira quelque chose de lui. 
Mais souvent ne sommes-nous pas plus à la recherche de nous-mêmes en rencontrant l'autre? Qui et que cherchons nous dans la rencontre?
Certes, il est bien normal d'être à la recherche d'une certaine reconnaissance de nous-même, les sentiments positifs permettent le dialogue.
Mais le but d'une relation n'est-il pas de nous laisser étonner par une nouvelle rencontre pour découvrir l’autre dans tout ce qu'il est?
Notre élèvement ou notre abaissement dépendra de notre manière de poser notre regard sur l'autre. Allons-nous le regarder comme un miroir, scrutant le regard qu'il a de nous-mêmes, ou bien comme une fenêtre ouverte sur un horizon nouveau et tellement enrichissant?

Et Dieu, quelle attitude a-t-il envers nous? Cherche-t-il à se complaire dans l'homme qu'il a créé à son image? Malheureusement il doit alors souvent regretter de voir l'image pervertie que nous lui renvoyons de lui-même. Mais Dieu est sûrement très curieux et heureux de voir le côté créateur de chacun, comment chacun élargit sa création, comment la femme, l'homme ou l'enfant valorisent cette puissance d'amour que Dieu a mise au coeur du monde".

J'ai lu ce texte et ai repensé à ce que je tentais d'exprimer, avec mes mots à moi, hier, à ma  psy confidente: le narcissisme, la sclérose en plaque que je disais redouter (Frère Pierre en souffre), la convivialité, l'intérêt pour le différent et l'Autre.

M. m'a rejoint au Randaxhe tout à l'heure. Il semble apprécier nos conversations apéritives. Un jeune homme passait de table en table pour obtenir quelques sous. Nous l'avons aidé un peu, mais nous avons surtout pris le temps de l'écouter. Il nous en a remerciés. Le récit de sa vie force le respect. Et je prends cela comme un coup de poing ou un coup de coeur, je ne sais pas trop, mais je ne sors jamais indemne de pareille rencontre.

1 commentaire:

  1. Moi je vois plutôt ces mots comme expliquant que tout, dans l'univers, doit rester en perpétuel équilibre. Donc si on déclenche un déséquilibre en s'élevant, "la vie" se rééquilibrera en nous abaissant. Et inversément. On ne peut s'élever qu'en participant à la spirale universelle et s'élever lentement avec elle, selon ses critères et non les nôtres.

    Quant aux autres: miroirs de nous ou enrichissement ? J'ai constaté trop souvent dans ma vie que les autres-miroirs disparaissaient comme par enchantement quand je prenais conscience de ce qu'ils étaient des miroirs et de ce qu'ils reflétaient en moi. Donc je dirais jamais enrichissement... hélas! Ou alors enrichissement narcissique, égocentrique. Où peut se trouver l'Amour, là-dedans ?

    Plus j'avance en sagesse, plus les gens disparaissent: "lorsque vous ferez de deux un" dit l'évangile de Thomas. C'est l'Eveil de Siddharta, sous son arbre: tout disparaît sous ses yeux, y compris son propre reflet.

    Plus un être est inconscient, plus il va être entouré. Bien sûr, ces autres il va les rechercher, provoquer leur compagnie. Mais pas seulement et c'est ça qui est étrange. Comme est étrange le fait que ces autres disparaissent d'eux-mêmes quand ils ne nous servent plus dans notre progression: "Le vent je crois me les a pris"...

    Les maux ne savent seuls venir;
    Tout ce qui m'était à venir
    M'est advenu.
    Que sont mes amis devenus
    Que j'avais de si près tenus
    Et tant aimés ?
    Je crois qu'ils sont trop clairsemés
    Ils ne furent pas bien semés
    Ils m'ont failli.
    De tels amis m'ont bien trahi
    Lorsque Dieu m'a assailli
    De tous côtés.
    N'en vit un seul en mon logis
    Le vent je crois, me les a pris,
    L' amour est morte.
    Ce sont amis que vent emporte,
    Et il ventait devant ma porte
    Les emporta.

    (Rutebeuf)

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