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vendredi 13 août 2010

Priorités, saupoudrages et mensonges

On le sait, le prochain gouvernement fédéral belge (à supposer qu'il y ait encore demain un gouvernement fédéral belge) sera confronté à un déficit budgétaire de 25 milliards d'euros, à assainir.

Depuis les chiffres tombent, je vous les livre en vrac avec juste ce qu'il faut de commentaires pour ne pas encore être accusé d'être un mauvais esprit.

Les "titres-services", depuis leur création, en 2004, ont connu un succès en croissance exponentielle. N'est-ce pas la preuve qu'ils répondent à un besoin réel? Pour mémoire, le mécanisme vise à rendre accessibles des services de proximité (femmes de ménage, aide au repassage, au jardinage, accompagnement de personnes âgées, par exemple) à un prix concurrentiel, par rapport à l'engagement d'un travailleur en noir, et d'offrir en même temps au travailleur en question un statut social. Pour cela, une intervention de l'Etat est nécessaire. D'après une étude, il en a coûté brut à l'Etat belge, pour l'année  2009, 1,2 milliards d'euros. Je dis "brut", car ces travailleurs ne reçoivent plus d'allocations de chômage, paient des cotisations sociales et des impôts. Net, cela représente 731 millions d'euros pour l'Etat. C'est-à-dire une charge pour chacun d'entre nous. On peut juger cette charge excessive, ou mal répartie, voire dénoncer des abus. S'il en est, il faut les empêcher: un subside de l'Etat ne doit pas permettre à certains en particulier de s'enrichir. Mais les chiffres sont là: 103.437 travailleurs étaient concernés, en 2008; 76.233 étaient sous contrat auprès d'une société agréée pour les titres-services. Le système est également choisi par de nombreux travailleurs qui préfèrent un temps partiel.

Cela coûte trop cher à l'Etat, dit-on aujourd'hui, et il faut diminuer l'intervention de l'Etat.  Cela signifie, en réalité, ceci: il ne faut pas que "tous" paient pour "quelques-uns", qui "profitent" du système. En d'autres termes, une fois de plus, chacun pour soi, et qui paie pour qui? Les experts ne recommandent pas une augmentation de la valeur faciale du titre-service, qui serait ainsi plus cher à l'achat. Ils jugent préférable une suppression de la déduction fiscale à laquelle les titres-services donnent droit, avec l'argument imparable suivant: "la majorité des utilisateurs ne tiennent pas compte de la déductibilité fiscale pour décider du nombre de titres achetés ... le bénéfice n'intervient en effet que deux ans plus tard". Ce qui veut dire ceci: les utilisateurs sont des bovins peu perspicaces, nous savons comment leur faire avaler des couleuvres.

A vrai dire, le problème est toujours le même: l'idée est bonne, mais l'instrument ne l'est peut-être pas. Chaque "niche fiscale", comme on dit aujourd'hui, suscite la même question: pourquoi la réplique belge de Liliane Bettencourt pourrait-elle faire repasser son linge avec des "titres-services"? Chaque "niche fiscale" renvoie, tôt ou tard, toujours à la même question: ne faudrait-il pas assurer une certaine "progressivité" de la contribution individuelle et adapter les interventions de l'Etat selon les situations? Jour après jour, le droit fiscal devient ainsi de plus en plus complexe et souvent de plus en plus perçu comme injuste. Car la très vieille dame, que je croise tous les matins, qui n'est pas une "Bettencourt", et sort, malgré tout, tous les jours, avec une ou un "titre-service", qu'elle tient fermement par le bras, vit encore grâce à eux. Elle, cependant, ne peut pas donner une île pour qu'on lui tienne le bras ou qu'on la fasse rire.

En Belgique, le taux de la T.V.A. a été réduit, dans la restauration, comme en France; mais, contrairement à la France, sans engagement des restaurateurs que la diminution de la T.V.A. sera répercutée dans les prix. L'objectif était, a dit le ministre belge des Finances (en Belgique, la capacité de mensonge est un peu moins grande qu'en Sarkozye), de lutter contre le travail en noir, de la part des restaurateurs autant que de leur personnel, et de favoriser ce secteur de l'économie potentiellement porteur d'emplois. Coût estimé pour le budget 2010-2011: 200 millions d'euros. Tout le monde en Belgique avait espéré pourtant que les prix pour le consommateur baisseraient, mais à tort (à cause du président français dont on parle trop). On avait imaginé que les nombreux travailleurs étrangers, illégaux, qui gagnent dans l'Horeca un salaire de misère seraient un peu moins illégaux.  Je puis témoigner que le travail en noir dans l'Horeca n'a pas diminué, si j'en crois les maghrébins que je croise. Et, quand je vais au restaurant, je ne reçois toujours pas systématiquement un justificatif T.V.A., et, si je le demande, j'ai toujours l'impression d'être, sinon "en faute", "un emmerdeur". J'imagine qu'il en est de même dans le secteur du bâtiment ou lors la cueillette des fruits au Limbourg. Mon fils s'est présenté. Le contingent était déjà assuré ... avec des polonais, des roumains,  des marocains. Moi, je trouve ça bien, sauf que mon fils n'a pas été retenu. Ne me dites pas que c'est parce qu'il est né au Brésil, mais belge? Je ne vous dirai pas ce qu'il ressent, je vous laisse l'imaginer. J'oubliais de dire qu'il est demandeur d'emploi et bénéficie du plan "Activa" de la région wallonne, c'est-à-dire pour l'employeur une réduction des charges sociales. De toute évidence, engager un polonais ou un illégal revenait moins cher au patron flamand. Je ne vois pas d'autre explication.

Des chiffres à propos de la restauration? Difficile d'en trouver. Mais cette estimation d'un économiste belge.

http://www.rtbf.be/info/economie/restauration/baisse-de-la-tva-dans-lhoreca-un-effet-retour-global-de-50-serait-un-succes-23

Saura-t-on, un jour, le rapport coût/bénéfice des intérêts notionnels. J'avais dit que je n'en parlerai plus, toutefois le patron de la F.E.B. (Fédération des entreprises de Belgique) a dit qu'ils ne coûtent rien, mais créent de l'emploi et des "revenus fiscaux".

http://trends.rnews.be/fr/economie/actualite/politique-economique/interets-notionnels-ils-ne-coutent-rien-ont-cree-de-l-emploi-et-des-revenus-fiscaux/article-1194741818950.htm

Je ne sais, à vrai dire, et malgré mon expérience, ce que sont des "revenus fiscaux"; quant à l'emploi, on attend toujours les chiffres. Mais le "gourou" (cfr. un précédent blog) a dit que l'on ne pourra sans doute jamais le mesurer.

Le libéralisme est une religion. On y croit des choses qui ne sont pas crédibles et certains finissent par devenir intégristes ou fondamentalistes dans cette religion, comme dans toutes les religions.

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