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jeudi 26 août 2010

Paul et Mahomet

Depuis que le droit me passionne de moins en moins, mais que l'histoire des religions me passionne de plus en plus, je lis beaucoup. Mon parcours n'est pas scientifique. Il est celui d'un honnête homme qui cherche à savoir toujours plus et qui se pose des questions. Dans le fond, n'était-ce pas aussi (n'est-ce pas toujours d'ailleurs) ma démarche à propos du droit? Je n'ai jamais été juriste "dans l'âme", mais toujours un interrogateur inassouvi.

Les questions auxquelles je me confronte aujourd'hui ont changé de nature. Elles ne sont pas moins complexes, mais plus denses. Oserais-je dire essentielles, l'essentiel se distinguant de l'accessoire? Peut-être, dans la vie, y a-t-il un temps que l'on consacre à l'accessoire et un temps que l'on doit consacrer à l'essentiel?

Je vais livrer ici une réflexion toute personnelle. Je me doute que des plus savants que moi ont étudié le sujet, mieux que moi, et plus que moi. Ce que je vais dire pourra être perçu comme hérétique par certains. Permettez cependant au brave homme que je suis de livrer son analyse.

Bien que hardi, un parallèle me paraît exister entre l'apôtre Paul et le prophète Mahomet. Je vais essayer d'expliquer en quoi, à mon avis.

Il y a le terreau commun: le Dieu unique des Hébreux, le Dieu dont on ne peut pas dire le nom, ni représenter le visage, parce qu'il est indicible et "au-delà de tout nom". Un Dieu abstrait, qui se distingue par là-même des idoles. Un Dieu qui ne parle pas ou jamais directement (sauf à Moïse). Il préfère envoyer des anges ou des prophètes. Une expérience de Dieu primordiale aussi: le Dieu des Hébreux, contrairement aux idoles de l'époque, ne veut pas de sacrifice humain (cfr. le sacrifice d'Isaac/Ismaël). Ce Dieu devient aussi ce qui fédère le peuple hébreux, le peuple qu'il a élu. Il chemine avec eux et ne les abandonnera jamais.

Qu'a fait Jésus (Yeshouah)? Il a dénoncé les dérives de la religion des Hébreux de son temps: le légalisme absurde du Deutéronome appliqué à la lettre, l'hypocrisie, les nouvelles idoles (l'argent, le pouvoir); il a renversé les priorités: il a dit que le bonheur n'est pas là où on le cherche le plus souvent; il a préféré les faibles aux puissants; il a préféré les marginaux aux gens installés; il a surtout parlé d'amour, de miséricorde, du chemin vers soi qui passe parfois "par le chas d'une aiguille". Il n'est pas mort comme un Dieu, mais comme un homme et même le plus vil des hommes. Peut-être est-ce pour cette fidélité extrême à ce qu'il croyait qu'il est mort ainsi? Et peut-être est-ce pour cela, pour cette fidélité extrême, que certains ont dit qu'il vivait encore même après sa mort. Comme un exemple, comme une promesse.

Les hommes et les femmes qui l'ont entouré ont dû fatalement être bouleversés par cet être hors du commun. Etait-il le fils de Dieu? Lui-même ne l'a jamais dit, mais il parlait de Dieu comme d'un père. Etait-il Dieu? Il ne l'a jamais dit non plus. Mais il était certainement un intime de Dieu. Par sa vie, il nous a indiqué que tous nous avons en nous une part intime qui peut s'appeler Dieu.

Après la mort de Jésus, les choses ont été confuses.

Il y avait ceux qui l'avaient suivi, accompagné, qui l'avaient entendu, qu'il avait libéré de leurs démons, et qui devaient garder en leur coeur, chacun selon sa sensibilité, des souvenirs intenses. Ils ont beaucoup raconté leur histoire, mais il a fallu bien des années avant que leur témoignage ne soit écrit. Je suis toujours surpris par ceci: les évangiles ont été écrits par des disciples; j'aurais aimé entendre le jeune homme riche s'exprimer, la veuve de Naïm, le centurion romain, Lazare, Nicodème... Les évangiles parlent d'eux, mais eux ne parlent pas. Cela me dérange. Ceux-là devaient se rassembler autour des vrais apôtres, de Marie, la mère de Jésus, de Marie-Madeleine, de Jacques, le frère de Jésus. De ces témoignages, seuls certains ont été étrangement retenus. Toutes les sensibilités n'avaient-elles pas le droit d'exister? Pourquoi? Il y a eu ainsi des témoignages reconnus et d'autres dits apocryphes.

Paul (Saül, à l'origine) a fait son apparition. Il n'a jamais entendu Jésus de vive voix. Il n'est donc pas un témoin. Pendant que tout se passait, à Jérusalem et aux alentours, il était ailleurs et, une fois revenu, il s'est empressé de massacrer les premiers fidèles de Jésus au nom de la loi. Seulement voilà, Paul prétend avoir reçu une révélation sur le chemin de Damas (Ac, 9, 1-19). Les vrais disciples ne lui feront guère confiance; ils ont même peur du personnage (Ac, 9, 26). En fait, Paul les impressionne. Il prétend - ne l'appellera-t-on pas finalement apôtre? - qu'il en sait au moins autant qu'eux et même plus qu'eux. Il n'a pas été témoin, mais il a eu, lui, une révélation. Cela change tout!

Voici deux représentations parmi les plus anciennes de Paul de Tarse, sans doute les plus proches de la réalité.



Ainsi donc, avant même que les principaux témoins aient rédigé leurs évangiles, c'est-à-dire le recueil des faits et gestes, et surtout des paroles, de Jésus (avec une plus ou moins grande fidélité, comme il en est de tout témoignage), Paul va se répandre pour annoncer la bonne nouvelle aux païens. Il va ainsi, avant tous les autres, lui, le non-témoin, élaborer un discours qui ne cite aucune parole de Jésus et qui évoque à peine les récits des témoins (les évangiles n'existant pas encore). Paul a ainsi créé une doctrine religieuse - ce que Jésus n'a jamais eu la prétention de faire - sur un fond qui ne lui appartenait pas, mais qu'il s'est approprié, soit-disant à l'occasion d'une vision, où tout lui aurait été révélé. Pierre a un caractère qui le porte, avec des lâchetés parfois, à devenir le partenaire de toute personnalité plus forte que lui. Il y a eu Jésus, il y aura Paul. Paul deviendra l'apôtre des gentils (les non-circoncis): il a inventé, non sans mal,  une nouvelle religion pour le monde grec et romain. Elle s'y répandra et deviendra religion d'Etat de l'empire romain sous Constantin. Alors que Jésus distinguait clairement l'Etat de la religion ("Rendez à César, ce qui est à César; et à Dieu, ce qui est à Dieu"), la religion paulinienne - aujourd'hui la religion catholique romaine -, ne mettra pas longtemps à entretenir des relations troubles avec le pouvoir et reste organisée, dans ses institutions et ses fastes, malgré quelques aggiornamenti, comme du temps des empereurs romains.

Pendant ce temps, à Jérusalem, autour de Jacques, le frère de Jésus, se trouvaient les fidèles: ceux qui suivaient au plus près le message de Jésus: "Je ne suis pas venu abolir la loi, mais l'accomplir". Les "judéo-chrétiens", les chrétiens "circoncis". Ils ont eu de la peine à s'affirmer face aux pauliniens. Mais ils étaient sans doute plus proches de Jésus que Paul ne l'était.

Quelques siècles après, les idées et les hommes circulant beaucoup à cette époque (au moins autant qu'aujourd'hui), et alors que les "pagano-chrétiens" issus de Paul ne cessent de se disputer sur la nature humaine et/ou divine du Christ, inventant peu à peu le concept de "Sainte-Trinité", un seul Dieu en trois personnes, Mahomet, qui est bien au fait de tout cela, veut réaffirmer l'unicité de Dieu. Dieu est un. Dieu est unique. Il réaffirmera aussi que Dieu est indicible (même les 99 noms de Dieu cités dans le Coran n'y suffisent pas). Nous sommes tous enfants de Dieu, mais, si Dieu est Dieu, il ne peut pas avoir un visage d'homme. Comme pour Paul, il sera dit qu'il a reçu une révélation. Comme Paul, le prophète Mahomet va utiliser le terreau du judaïsme, fécondé par Jésus, pour créer une religion. Il va "inculturer" la tradition judéo-chrétienne dans le monde arabe, comme Paul l'avait fait avant lui dans le monde hellénistique. Très rapidement, la religion de Mahomet, comme celle de Paul auparavant, sera associée au pouvoir politique, trahissant ainsi la source.

Qui exprime encore la source aujourd'hui? Où faut-il la chercher? Où sont les témoins des vrais témoins?

Peut-être dans quelque monastère isolé ...









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