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mardi 3 août 2010

Le plaisir des mots à la liégeoise

Est-ce l'été? Avec mon ami JP, nous n'arrêtons pas de surenchérir sur le français, tel qu'on le parle  en Belgique. Existe-t-il la même passion pour le néerlandais tel qu'on le parle en Belgique?

Je l'ai dit, j'ai été un peu frustré en lisant l'ouvrage Comment parler le belge?  de Philippe Genion.

Il y est donné peu de place aux mots et expressions typiquement liégeois. J'ai donc plongé dans mes souvenirs. Mes grand-parents paternels parlaient souvent le wallon entre eux. Aujourd'hui, certains anciens de mon quartier le parlent encore. Et puis, tout liégeois de souche, sans en être conscient, émaille sa conversation de mots du terroir.

Plutôt que me plonger dans un dictionnaire - il en existe - j'ai trouvé plus amusant de faire appel à ma mémoire. Voici une première sélection:

Agayon: on peut traduire ce mot par "accessoire", mais dans un sens péjoratif. Il s'agit de tous les objets inutiles dont certains croient devoir s'entourer. "Ki fèt-i cîla avou tos ses agayons?". Un de mes fils, qui est un peu le clone de Mc Gyver aime s'entourer d'"agayons". Je le reconnais, cela lui sert parfois.

Awè, séés: Oui, sais-tu. Le vrai liégeois ne sait pas dire simplement "oui" ou "non", il en appelle toujours à la conscience (ou au degré de conscience ...) de son interlocuteur.

Binamé: Gentil, amitieux, doux. J'adore ce mot. Il est porté par certaines familles; il existe en effet un patronyme "Binamé". J'en connais. Avec un tel nom, il faut sans cesse être à la hauteur du nom que l'on porte. Un peu comme le mien: "Parent".

Boutroûle (ou Botroûle): ce mot désigne le ventre, qu'il soit rond ou plat, et selon les goûts de chacun. Un théâtre de marionnettes liégeoises s'appelle "Al botroûle"

Cadet: quand on commande, dans un café, un "cadet", on veut dire qu'on demande "une bière", soit une pils (bière blonde légère) dans un verre de 25 cl. La bière de base. Si on en veut plus, on  demande un "33". Aux Pays-Bas, la bière de base est à 20 cl, trop peu pour un liégeois. Il existe aussi, à Liège, une fanfare, qui s'appelle "Les cadets de la marine", mais ceci n'a rien à voir.

Carabistouille: l'équivalent français de ce mot est "bobard". Il s'agit toujours de propos peu crédibles que l'émetteur énonce avec une bonne foi feinte. Par exemple, le président Sarkozy dit beaucoup de carabistouilles. Et les liégeois sont très forts pour discerner ce qui est une carabistouile de ce qui ne l'est pas.

Crahète: ce mot désigne d'abord, les petits morceaux de frites qui restent au fond du sachet (ou aujourd'hui de la barquette synthétique). On dit alors "des crahètes". Les plus gourmands les mangent, tout en sachant qu'elles ne valent rien pour leur santé. Par extension, ce mot désigne, tous les résidus, par exemple, de biscuits d'apéritif, chips ou autres.

Creton: le "creton" est un lardon cuit jusqu'à devenir croquant. La "salade liégeoise" est aussi appelée parfois "salade aux cretons". La base est faite de haricots verts, de pomme de terre, d'oignons, d'un peu de vinaigre déglacé et de cretons. En ce qui me concerne, je remplace le vinaigre déglacé par de la crême fraîche légèrement moutardée. On peut varier ce plat local en remplaçant les haricots verts par de la "doucette" (en français, de la mâche), des chicons (en français, des endives) crus ou, quand c'est la saison, des chicorées des prés (la plante qui, à maturité,  donne lieu au pissenlit). Ma tante, qui possédait un minuscule chalet aux Houches, route des Aillouds, dans le quartier dit "Les crêtes" avait appelé son chalet "Le creton".

Didj mi: en français, "dis-je" ou "je dis". Quand les liégeois bon teint (je désigne par là ceux qui n'essayent pas de parler "à la française") racontent une histoire, parfois anodine, banale, ils finissent toutes leurs phrases par "Didj mi" ou, dans une version plus contemporaine, "Je dis". Mon ex-belle-mère (elle aurait pu rester ma belle-mère, si je n'avais à présent une ex-femme), disait ainsi "je dis". Plus récemment, j'ai eu une aide ménagère qui en faisait tout autant. Cette pratique peut avoir deux significations. La première, il s'agit de reprendre sa respiration avant de continuer la suite. La seconde, c'est qu'il s'agit de bien préciser qu'on raconte quelque chose, comme un conteur.

D'ji vou, d'jin pou: littéralement, "je voudrais bien, mais je ne peux point". On utilise surtout l'expression, non à propos d'une personne, mais d'une oeuvre, d'une réalisation, d'une construction un peu bancale. On dit alors: "c'est du d'ji vou; d'jin pou".

Mamé: un mot aussi charmant que "binamé". On dit d'un petit enfant, d'un chaton, d'un chiot, qu'il est "mamé"; on veut dire par là qu'il est adorable, qu'on a envie de le carresser,  de le choyer. Un autre mot est parfois utilisé "nozé", c'est encore plus que "mamé", c'est un superlatif un peu dégoûlinant de "mamé". Un restaurant de Liège s'appelle "Mamé vî cou". Comment traduire? "Vî coillon", "Vieux copain que j'ai envie de combler de toutes mes attentions". Voilà, j'ai trouvé. Ce restaurant, bien entendu, ne sert que des plats liégeois.

A Potch è four: littéralement, le plat dans le four. J'adore tout ce qui se cuisine au four. Il s'agit aussi ici d'un restaurant de la région, à Xhendelesse, dans le pays de Herve. Le "xh" en wallon liégeois indique que l'on doit prononcer avec un son guttural, un peu comme en espagnol ou en arabe. Il en va de même d'autres localités de la région comme  Xhoris ou Xhendremael. Surtout ne pas dire "ksoris"!

Remoudou: un couple de français, un jour, sur le marché de la Batte, faisait des emplettes chez mon fromager/crémier d'exception. Parmi les fromages de Herve, il en est de trois sortes: doux, demi-doux et piquant. Le fromage de Herve fait partie des fromages "roi". Le Remoudou, en plus, est le roi des fromages de Herve,  c'est dire. Elle demande à mon commerçant et ami (depuis le temps): "il est bien fait, au moins". Le remoudou doux est déjà bien fait, alors les autres!

Tchiniss: ce mot désigne de petits objets (par exemple, une punaise, un attache-tout, un bout de ficelle, une clé dont on ne sait plus à quelle porte elle correspond, une médaille oubliée, une vieille pièce de monnaie qui n'a plus cours, un élastic, une vieille loupe, une photo jaunie, une décoration, une vieille paire de lunettes). Mon père aime les "tchiniss". Cela énervait et énerve toujours ma mère. Quand j'étais petit, le tiroir de la table de nuit de mon père était rempli de "tchiniss", cohabitant dans un joyeux désordre. Et j'adorais y "trifouiller".

2 commentaires:

  1. Potch è four ... "saute dans le foin" . sauterelle, criquet

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  2. Je remercie le lecteur anonyme qui rectifie ma traduction inexacte de "potch è four". A vrai dire, je ne suis pas du tout un spécialiste du wallon liégeois ... j'ai de vagues souvenirs et il arrive qu'un petit enfant n'ait pas toujours bien compris ses grands-parents. A la réflexion, la traduction proposée par mon lecteur anonyme va de soi: "potchî" = sauter. Le reste, je m'apprends. Merci à ce lecteur anonyme! Puis-je l'inviter à ne pas le rester?

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