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mardi 8 juin 2010

Dazibao

Ce matin, en sortant de chez moi, j'ai découvert sur tous les immeubles du quai de Gaulle, où j'habite, donc aussi sur le mien, une affiche. Un candidat aux élections, dont l'équipe de colleurs aurait manifesté un peu trop de zèle? Non. Pas vraiment.

L'affiche était la suivante:





Voilà une initiative individuelle -  je le suppose -  qui ne manque pas de susciter un grand nombre d'interrogations.

Réflexe de prof, ma première réaction a porté ... sur l'orthographe défaillante du message: "Dégager". Alors que l'auteur se voulait assurément impératif, il parle à l'infinitif. Mais, je ne m'étonne plus de rien. Un jeune homme liégeois, qui sévit sur Facebook et a appartenu à presque tous les partis de l'échiquier politique, ne pensait-il pas en toute bonne foi que, si l'on veut être "discret", il faut être "discrétionnaire".

Est-il légal, même si on est en colère, d'utiliser des immeubles privés comme support de sa colère? L'affichage électoral est réglementé, l'affichage citoyen serait-il "hors norme"? Il se pourrait même que l'auteur des affiches soir le premier à râler sur les tags. Sa manifestation d'humeur, j'en conviens, est moins indélébile que celle des "taggeurs",  mais elle relève d'un comportement semblable: utiliser le bien d'autrui pour s'exprimer. 

Sur le fond, il y a en effet, à nouveau, quai de Gaulle à Liège une concentration de dealers et de drogués au-delà de la normale, et peut-être de l'acceptable. Ont-ils lu l'appel qui leur était intimé par les affiches apposées? En d'autres termes, la réaction du citoyen colleur d'affiches était-elle adaptée? Une pétition, une lettre au commissariat de quartier n'auraient-elles pas été plus utiles? L'impunité qui entoure ce trafic et ses "à côtés" est-elle normale? Est-il acceptable de croiser en rue, en se promenant, des individus qui se piquent au vu et au su de tous? On ne voit guère en tout cas de présence policière. 

On pourrait être tenté de faire une différence entre les dealers et leurs clients. Il y aurait des profiteurs criminels et des victimes. Les rôles sont moins définis que cela. Les comportements délictueux doivent être poursuivis. Et les victimes aidées et soignées. En matière d'assuétude, il convient en effet toujours de parler de victime ou de maladie. Comme pour le cancer. On ne devient jamais "accro" à l'alcool, à la drogue, au jeu ... par choix. Existe-t-il une assuétude à l'argent?

Plus fondamentalement encore, se pose la question de la cohabitation dans un même espace de populations différentes dont certaines sont perçues, à tort ou à raison, comme différentes, dangereuses, marginales, heurtantes ... J'ose espérer ne jamais voir quai de Gaulle, à Liège, d'autres affiches que je préfère ne pas imaginer. 

Concernant le Dazibao, voici ce qu'en dit Wikipedia:


Le dazibao (chinois traditionnel 大字報, chinois simplifié 大字报, pinyin dàzìbào, littéralement « journal à grands caractères ») en Chine est une affiche rédigée par un simple citoyen, traitant d'un sujet politique ou moral, et placardée pour être lue par le public.
Journaux affichés, Pékin, 2005
L'expression de l'opinion publique par l'affichage est une tradition de la Chine impériale. Les voyageurs rapportent que les citoyens mécontents écrivaient ou imprimaient des affiches pour critiquer l'administration du magistrat impérial, qui étaient placardées dans la ville et jusque dans la rue devant le tribunal, siège du magistrat. Le peuple se rassemblait autour des affiches pour les commenter1.
C'est en 1966, avec la révolution culturelle lancée par Mao Zedong que les dazibao refirent leur apparition en Chine. Un des éléments clés de la révolution culturelle fut la publication de dazibao le 25 mai 1966 par Nie Yuanzi et d'autres à l'Université de Pékin, affirmant que l'université était contrôlée par la bourgeoisie antirévolutionnaire. La lecture de ces textes par de jeunes étudiants comme Xing Xing Cheng les conduisirent à participer à la révolution culturelle et rejoindre les gardes rouges. L'affiche est venue à l'attention de Mao Zedong, qui l'a diffusé nationalement en la publiant dans le Quotidien du peuple. Les dazibao furent bientôt très répandus, utilisés pour tout, du débat sophistiqué au divertissement satirique à la dénonciation enragée ; être attaqué dans une affiche de grand-caractère était suffisant pour mettre fin à une carrière. Réalisées à la main, ces affiches couvrirent d'abord les murs de Pékin avant de gagner les provinces. Ce média illégal et spontané véhicula l'information non-officielle et eut l'audace d'attaquer les autorités du pays.
Un des « quatre grands droits » dans la constitution d'état de 1975 était le droit d'écrire un dazibao.
Une nouvelle floraison eut lieu après la fin du maoïsme, lors du mouvement du mur de la démocratie en 1978 à Pékin; un des plus célèbre dazibao fut La cinquième modernisation, dont l'appel hardi à la démocratie a apporté une renommée immédiate à son auteur, Wei Jingsheng. La répression finit par mettre fin à cette presse libre à la fin de l'année 1979



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