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dimanche 14 février 2010

Samedi 13 février 2010 - Les intérêts notionnels ... encore

S'il est une mesure fiscale qui a vraiment fait couler beaucoup d'encre depuis sa création (loi de juin 2005), en Belgique, c'est bien la "déduction pour capital à risque", mieux connue sous le nom d' "intérêts notionnels". A l'époque, très peu de publications se sont montrées critiques à l'encontre de ce système, présenté comme "unique au monde". Le ministre des finances, comme à son habitude, jouait son rôle de camelot et éludait toutes les questions embarrassantes. J'ai dû être à peu près le seul à souligner le manque de transparence de la mesure, sa complexité, certaines incohérences, l'impossibilité d'évaluer son coût budgétaire, l'impossibilité de garantir qu'elle aura un impact sur l'investissement et l'emploi ("La déduction pour capital à risque - Les intérêts notionnels", Rev. Dr. ULg., 2006, n° 1 et 2, numéro spécial du 50ème anniversaire). Mes remarques n'ont guère eu d'écho. C'est donc avec amusement, et ravissement, que, depuis quelques jours, des plumes autorisées ne font que reprendre ce que j'ai dit, sans doute trop tôt:
- Marco Van Hees, "Il faut supprimer les intérêts notionnels", Carte blanche, Le Soir, 10 février 2010;
- Thierry Afschrift, "Des intérêts notionnels", La Libre Entreprise, 13 février 2010.

Mon collègue Afschrift, donne un exemple qui illustre à quel point cette mesure peut être vide de sens et parfaitement inutile du point de vue des finances publiques et de l'économie belge. L'exemple mérite d'être rapporté pour que mes lecteurs comprennent bien. Supposons une société étrangère, qui réalise des bénéfices; elle crée une filiale en Belgique, ce qui suppose un apport d'argent à cette société (ceci peut se réaliser sans avoir d'impôt à payer en Belgique); cet apport donne droit à des intérêts notionnels à concurrence de 3,8 % des fonds propres apportés; à peine apportés, les fonds sont prêtés par la filiale belge à sa société mère étrangère assortis d'un taux d'intérêt de ... 3,8 %. Ces intérêts pourront être déduits comme charges financières par la société mère étrangère et ils ne seront pas soumis à l'impôt des sociétés dans le chef de la société belge. Selon mon collègue Afschrift, l'Etat belge ne perd rien, car, si le mécanisme des intérêts notionnels n'avait pas existé, ce montage n'aurait pas été mis en place. Il convient de dire qu'il ne gagne rien non plus: ce montage ne crée aucun emploi en Belgique (on voit même des sociétés étrangères, qui ont bénéficié du procédé, licencier à tour de bras); l'argent apporté ne donne pas lieu à des investissements en Belgique; et cela ne rapporte rien au budget de l'Etat. On ne ne peut évidemment qu'être abasourdi de voir un ministre des Finances se soucier comme d'une guigne de l'économie nationale et permettre à des sociétés étrangères d'échapper à l'impôt dans leur propre pays!

Si contrairement à ce qu'on a dit, la mesure ne vise qu'à renforcer les fonds propres des P.M.E. ... vu que les banques concèdent de moins en moins aisément du crédit, alors il fallait que la mesure soit ciblée en ce sens. Des mesures ont déjà poursuivi cet objectif avec succès par le passé. Pourquoi avoir fait autre chose moins bien?

S'il s'agissait de jouer le jeu condamnable de la concurrence fiscale entre Etats européens, pourquoi n'a-t-on pas simplement réduit le taux de l'impôt des sociétés en supprimant des déductions parfois inefficaces ou des régimes d'exceptions injustifiables?

Tant qu'à faire preuve d'imagination ..., n'y a-t-il pas lieu de l'exercer plus utilement?

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