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dimanche 1 novembre 2009

1er novembre 2009

J'avais été un peu prévenu, mais à ce point-là!

9 h 10, la sonnette retentit. Je décroche le parlophone et j'entends des voix juvéniles chanter: "Bon anniversaire ...". Il n'y a qu'une personne dans mon entourage pour faire cela: Anne-Françoise! Anne-Françoise, Dominique, son mari, et leurs adorables petits garçons. Anne-Françoise est quelqu'un de tout à fait original que j'aime beaucoup. Elle partage, depuis quelques années, avec moi des moments inattendus et toujours plein de fantaisie. Je me retrouve ainsi avec un bébé dans les bras, des pains au chocolat, des croissants et du vent frais. Cette jolie famille, c'est un peu Mary Poppins qui aurait épousé son partenaire dans le film et fait de beaux enfants ensuite.

Tout en dévorant nos croissants, nous devisions, quand tout à coup ... elle revient avec son violon et toute la famille me chante une chanson spécialement écrite pour moi. Puis, dans un grand brouhaha, ils s'en sont allés à la messe de 11 heures à Saint François de Sales. Avez-vous des amis comme cela?

Il y a une expression que j'utilise souvent depuis quelque temps: "alors, j'étais heureux".

Je ne dois pas être le seul à être dans le cas, mais je suis né le 1er novembre (fête de la Toussaint dans la tradition catholique). Comme un certain nombre de mes lecteurs, et amis, aiment à se déclarer athées ou libre-penseurs, tout en profitant des congés associés aux fêtes chrétiennes, je voudrais livrer ici une courte méditation. Et je ne parlerai pas du père Damien.

Tout d'abord, ce n'est pas parce qu'on est né le 1er novembre qu'on doit être associé aux chrysanthèmes et aux visites "sur les tombes"! Merci de m'épargner cela.

Je voudrais, juste un instant, être sérieux. Il ne s'agit pas ici de savoir si on croit en Dieu, en l'Eglise, en une vie après la mort, si tout cela est vrai ou pas, etc. Moi même, je ne sais pas. Jésus a-t-il existé? Sans doute, mais laissons le doute planer. Il existe néanmoins un texte datant de deux mille ans et qui commence par les mots: "Heureux ...". Je trouve là une raison suffisante pour m'y arrêter.

Ce texte - "les Béatitudes" - pose simplement quelques questions essentielles, valables pour tout être humain, des questions qui sont peut-être la clé du bonheur, ou, plus exactement encore, de l'épanouissement et de l'accomplissement de l'être:
-  y a-t-il, en ton coeur, une place pour la pauvreté? C'est-à-dire, le dénuement, la fragilité, la précarité, l'instabilité, l'insécurité, la dépendance ...? Je ne parle pas de la pauvreté des autres, mais bien de la tienne, toi qui me lis;
- y a-t-il, en ton coeur, de la douceur? Ou de la dureté, de l'arrogance,  de la suffisance, de l'intransigeance, du mépris, de la superbe, de l'ironie blessante? Et cette douceur l'exerces-tu de manière égale vis-à-vis de tous?
- laisses-tu parfois couler tes larmes ou as-tu appris qu'il faut être fort, courageux, battant, solide, sans cesse prêt à faire front, bâtisseur?
- de quoi as-tu le plus faim ou soif? De pain, de jeux, de fraternité. De reconnaissance, de pouvoir, d'argent, d'un statut social, de luxe. D'amitié, de sensualité, d'affection, de sérénité, de sécurité. Dans le fond, qu'est-ce qui te manque le plus? Ta manière d'agir, d'être, de penser ne dissimule-t-elle pas parfois des manques que tu refuses de voir en face? Même nos manières de manger et de boire nous trahissent;
- combien de fois par jour te montres-tu miséricordieux (et, mieux encore, spontanément miséricordieux)?
- quand tu parles, quand tu agis, quand tu réfléchis, quel est le moteur, l'inspiration de ta parole, de ton acte ou de ta réflexion? Y penses-tu (avant ... ou après ... ou jamais)?
- es-tu quelqu'un qui fédère ou quelqu'un qui divise?
- jusqu'à quel point es-tu prêt à "mourir pour des idées",  jusqu'à quel point es-tu prêt à composer,  à faire avec, voire à te compromettre par rapport à ton idéal?

Il s'agit bien de questions. Et ce n'est pas parce que je les pose que j'y suis soustrait. De toute façon, il s'agit toujours de petits pas à franchir. Il ne s'agit pas d'être parfait, mais d'être authentiquement soi ... pour être heureux. On a le droit aussi d'être nihiliste et de refuser l'idée même de bonheur ou d'accomplissement de soi.

Mathieu a exprimé ce que je viens de dire dans les termes suivants:
"Heureux les pauvres de coeur: le royaume des cieux est à eux.
Heureux les doux: ils auront la terre en partage.
Heureux ceux qui pleurent: ils seront consolés.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice: ils seront rassasiés.
Heureux les miséricordieux: il leur sera fait miséricorde.
Heureux les coeurs purs: ils verront Dieu.
Heureux ceux qui font oeuvre de paix: ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice: le royaume des cieux est à eux."
Evangile de Mathieu, 5, 3-10 (trad. TOB).

Les béatitudes sont chantées; elles ont inspiré des musiciens.

César Franck (1822-1990) a composé sur les Béatitudes une oeuvre symphonique. Un autre compositeur a trouvé, lui aussi un souffle, dans ce texte immémorial: Arvo Pärt (1935-?) ... par ailleurs, docteur honoris causa  de l'ULG, depuis 2009.


César FRANCK


 "Les créations de ses oeuvres passaient inaperçues, et ses qualités fondamentales de bonté, de naïveté et d'acharnement au travail n'étaient pas de celles qui entretiennent la curiosité du public et l'estime des puissants"


Roland de Candé, La Musique, Seuil, 1969,  p. 278

Claude Debussy a dit ceci des Béatitudes de Franck: "Et si l'on examine d'un peu près le poème des béatitudes, on y trouve un lot d'images et de truismes capables de faire reculer l'homme le plus déterminé. Il fallait le génie sain et tranquille de César Franck, pour pouvoir passer à travers tout cela, le sourire aux lèvres; un bon sourire d'apôtre prêchant la bonne parole".

cité par C. Höweler, Sommets de la musique, 1967, 7ème édition,

Je ne suis pas assez compétent pour juger de la qualité d'une oeuvre musicale. Claude Debussy l'était évidemment beaucoup plus que moi. Je ne suis pas sûr cependant que monsieur Debussy se soit livré à une lecture, autre que superficielle, du texte des Béatitudes.

 Arvo PÄRT


Si deux qualités - la pureté et la spiritualité tranquilles - expriment mieux que nulle autre la musique d'Arvo Pärt, on ne doit pas en chercher très loin la raison. Arvo Pärt s'est imposé huit ans de silence et de réflexion, consacrées à l'étude des polyphonies du Moyen-Age, du chant grégorien et de la musique sacrée orthodoxe russe. Il fait partie de la même lignée que ceux qui, en art, arrivent à faire la synthèse de plusieurs traditions pour un résultat toujours plus épuré.

De ce point de vue, sa nomination comme docteur honoris causa de l'Université de Liège devrait être un exemple puissant. Pour être fécond, il faut du temps. Un modèle qui fonctionne sur l'immédiat, la présence permanente et partout, l'hyperactivité, n'est, à mon avis, pas bon.


Je ne suis pas en mesure de proposer une discographie idéale ... Des amis, bloggeurs associés, sont bien plus compétents que moi.

http://jmomusique.skynetblogs.be/
http://rousseaumusique.blog.com/

Il y a néanmoins une version que j'écoute depuis 40 ans, avec toujours la même intensité: celle que les moines de Chevetogne ont gravée, en 1965, pour Harmonia Mundi Chants de la liturgie slavonne.






Quelques photos de chrysanthèmes, quand même ...





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