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jeudi 25 juin 2009

22 juin 2009

"Oui, Ernest avait vu aussi des larmes, de celles que l'on réprime et de celles qui coulent plus ou moins sans retenue, et pas seulement dans les yeux de ce célibataire dont il avait oublié le visage et le nom mais pas le poids du corps, un Belge, un homme d'un certain âge, proche de la Cour, dont Ernest n'avait pas refusé les avances car il n'avait pas en avoir honte.

Ernest n'avait rien à se reprocher et il ne se faisait aucune illusion. Le Belge n'avait pas pleuré à cause de lui, mais sur lui-même. Les larmes - pas si abondantes - qu'il avait versées, en cette matinée de printemps précoce, ne l'avaient pas été sur Ernest, mais sur la jeunesse d'Ernest et donc sur sa propre vieillesse; elles naissaient de l'abîme biologique qui le séparait d'Ernest et que rien ne pouvait surmonter ou compenser, ni les paroles, ni les carresses, ni même l'argent. Ernest avait vingt, peut-être même trente ans de moins, et, à cet instant-là, ces années séparaient les deux hommes que liait un même secret d'une façon plus décisive encore que l'argent".

A.-C. Sulzer, Un garçon parfait, Actes Sud 2008, pour la traduction française, pp. 32-33.

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